Quand le bibliothécaire devient applithécaire

CiClic Livre Flickr CC-BY-NC[Cette réflexion fait suite au Bookcamp jeunesse organisé par DeclicKids et Tralalere. ]

 

L’évolution technologique invite à repenser le métier de bibliothécaire. En effet, les nouveaux dispositifs de lecture numérique modifient certaines activités des professionnels du livre. Pour être plus précis, ce n’est pas une modification mais plutôt un élargissement des domaines d’activité. L’intégration progressive des tablettes dans les bibliothèques implique de maitriser l’outil mais aussi d’avoir connaissance de ce qui se fait dans le monde des applis (valable également pour les ebooks). Quels sont les éditeurs ? Quels sont les genres d’applis ? Quels sont les publis visés ? De la même façon que le bibliothécaire effectue une veille éditoriale,  réalise un tri parmi une offre pléthorique, constitue des paniers et enrichit les collections des bibliothèques, l’applithécaire tri, sélectionne, acquière et propose des applis en fonction des critères qui ont été fixés. Il n’y a pas de différence fondamentale, si ce n’est le support.

 

Comment faire ?

 
La production d’applis est phénoménale. L’Appstore et Google Play ne sont plus très loin du million d’applis disponibles sur leur marketplace. Certaines sont multiplateformes (iOS, Android), d’autres sont payantes et sans oublier les gratuites. Cela peut être assez déstabilisant de s’y retrouver. Quelles applis le bibliothécaire peut-il proposer à son public ? Pour nous aider (ouf !), il existe quelques sites qui permettent de s’y retrouver en proposant une sélection d’applis. On peut s’appuyer sur des sites comme DeclicKids, Applimimi ou encore La Souris Grise. Ces ressources réalisent des tests qui peuvent aider le bibliothécaire dans la recherche et l’acquisition d’applis. Puis au-delà des tests, ces sites s’avèrent utiles pour effectuer une veille sur cette question.

Par ailleurs, la Petite Bibliothèque Ronde de Clamart devrait mettre en place un label assorti d’une grille d’évaluation d’applis. Ils ont décidé :

« […] de répondre aux multiples interrogations en proposant la création d’un catalogue référent en matière d’applications numériques jeunesse, ainsi que par la création d’un label distinguant les applications “idéales” à utiliser dans une bibliothèque avec un public jeunesse. Le projet est actuellement en cours, un groupe de réflexion constitué d’une quinzaine de personnes travaille aujourd’hui à mettre au point une grille d’évaluation, qui, une fois validée servira au groupe des testeurs pour évaluer les différentes applications.  »

Cette démarche peut aider les bibliothécaires à opérer des choix et voir ce qui peut être intéressant à mettre en place dans leur structure respective.  Evidemment, chaque structure est différente, a son propre public avec ses caractéristiques spécifiques. Cependant, cet outil d’expérience mutualisée permet d’éviter de réinventer systématiquement la poudre.
 

Des contraintes

 
Il faut reconnaître que la constitution d’applithèque n’est pas toujours simple. Il est rarement possible d’effectuer des testes d’applis avant de les acheter. Le bibliothécaire risque d’acheter une appli qui ne mérite pas d’être gardée… A la différence des livres, il n’y a pas d’office pour les applis où le professionnel pourrait choisir de ne pas prendre telle ou telle application. Il en existe bien des gratuites ou lite. Cependant, cette dernière catégorie n’est pas satisfaisante. Les applis lite sont soit limitées soit avec de la publicité (bon en même temps, personne ne trouve rien à dire du modèle économique de nombreux magasines qui ornent nos espaces périodiques où une page sur deux est un espace promotionnel).

Une fois le problème du choix réglé survient la question du stockage. Les tablettes disposent d’espace de stockage limité qui varie selon les modèles. Pour les iPad, il y a la possibilité d’utiliser iCloud, le nuage permet ainsi de conserver les applis achetées et de les supprimer de la tablette.  En amont du stockage, il y a une question hautement pragmatique : l’achat.  Si vous disposez de plusieurs tablettes (en l’occurrence des iPad), Apple autorise la synchronisation d’applis pour cinq appareils.  Si vous avez plus de vingt ardoises numériques, la marque à la pomme propose des tarifs promotionnels (éducation). L’achat d’applis peut devenir un casse-tête. Comment acheter des produits en ligne quand la bibliothèque n’a pas de carte bleue ou si le marchand n’accepte pas les mandats administratifs. L’alternative consiste à acheter des cartes cadeaux ou des cartes iTunes pour l’Appstore. Toutefois, cette solution risque d’être compliquée pour le service financier qui ne comprend pas pourquoi la bibliothèque commande des cartes cadeaux ! Les applis et les nouveaux supports de lecture invitent à repenser nos pratiques mais aussi nos marchés, nos modes d’acquisition et nos budgets.
 

Des applis, pour quoi faire ?

 
La variété des applis offrent la possibilité d’organiser différents types d’ateliers

  • Une heure du conte numérique: S’il s’agit d’un public de tout-petits, le bibliothécaire organise des lecture d’applis (comme pour les albums et contes papier) et les enfants découvrent l’histoire en faisant évoluer l’appli. Si les enfants sont plus grands, on peut réaliser une séance vidéoprojetée à partir d’une adaptation de contes. Certaines applis se prêtent très bien à la lecture. Il suffit de couper la voix-off et ce sont les enfants qui lisent à tour de rôle. Pour montrer que le numérique ne s’oppose pas au papier et ainsi dépasser ce débat stérile, une sélection de documents en lien avec le conte accompagnera la séance. Les enfants pourront repartir avec à la fin.
  • Des partenariats avec des classes: On peut trouver sur les marketplace un certain nombre d’applis d’art (édition Dada, Pompidou Kids, Moma…). Les élèves de 3ème ont désormais une épreuve d’histoire de l’art au Brevet. Cela peut faire l’objet d’une animation avec eux en vue de l’épreuve du Brevet ou tout simplement en amont d’une sortie au musée.
  • Séances de jeux collectifs ou individuels : Mettre les tablettes en libre accès pendant un temps déterminé par l’équipe de la bibliothèque pour que l’enfant joue, teste et découvre. On peut également envisager des séances ludiques collectives où les enfants participent ensemble pour trouver les solutions. L’application Machinarium se prête tout à fait ce genre d’expérience.

Les applis couvrent tellement de domaines différents (pédagogie, arts, jeux, lecture…) qu’elles donnent lieu à un large spectre d’ateliers. Elles sont aussi l’occasion de construire un moment d’échanges avec les jeunes et de transmissions de connaissances. Quoiqu’en disent certains, je suis convaincu que les applis peuvent amener à la lecture en empruntant des chemins détournés. Elles représentent un formidable outil de médiation.

A charge aux bibliothécaires de convaincre de faire l’acquisition de tablettes et de tenter l’expérience, sans aucun doute ni sentiment d’illégitimité. Le bibliothécaire est un applithécaire en devenir. Il ne s’agit pas d’abandonner ce qu’on faisait avant mais juste de rajouter une corde à notre arc et d’élargir l’éventail de services proposés en bibliothèques.

42 commentaires à propos de “Quand le bibliothécaire devient applithécaire”

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  11. Hello Thomas,

    Tu indiques qu’Apple accepte la synchronisation de 5 machines pour une appli et qu’au-delà de 20,ils proposent des tarifs préférentiels (éducation).

    Cela m’intéresse beaucoup, car cela voudrait dire qu’ils admettent les usages collectifs, voire même qu’ils développent une offre en ce sens.

    Peux-tu nous en dire plus à ce sujet ? Comment cela se passe par exemple pour ces tarifs préférentiels ? Faut-il se déclarer ? Indiquer la nature de son activité ?

    Merci d’avance,

    Lionel

    • Salut Lionel,

      Je n ai pas testé donc je risque de ne pas être très précis. Mais en cherchant dans la documentation d Apple, il semblerait que l entreprise ait mis en place une forme d usage collectif. http://www.apple.com/fr/education/volume-purchase-program/faq.html#ownership
      Apple définit le programme d achat en volume de la façon suivante:

      « Le Programme d’achats en volume permet aux établissements d’enseignement d’acheter des apps iOS en volume afin de les distribuer auprès des élèves ou étudiants, enseignants, administrateurs et employés*. »

      Il appartient à l établissement de désigner un référent (un Animateur du programme) qui sera chargé de réaliser les achats d applications en quantité libre. Il y a un formulaire à remplir avec vérification des coordonnées de l établissement https://edu-vpp.apple.com/qforms/start/asvpp?dst=enroll_marcom&pdname=asvpp#init.
      Par ailleurs, il y a une disposition assez intéressante qui consiste à transmettre l appli achetée par l établissement à un autre utilisateur:
      « Votre établissement peut également acheter une app dans le cadre du Programme d’achats en volume pour l’Éducation, puis envoyer le code correspondant à l’utilisateur final, qui utilisera le code sur son propre compte iTunes. Dans ce cas, l’app appartiendra à l’utilisateur final. »

      En mettant un peu le nez dans les conditions du service, je me pose cependant une question. Est-ce que ce programme est compatible avec toute forme d institution pédagogique, éducative, lieux de savoirs/connaissances ?

      J espère avoir répondu à tes interrogations.

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  16. Intéressant récapitulatif. Notre médiathèque est en phase 2 de test de liseuses et » s’attaque » très bientôt aux tablettes. Le réseau ligérien Raticeloire a commencé aussi un travail de référencement/test de ressources d’applis. Il est clair qu’il y va de l’avenir de notre métier de médiathécaire. Et plus qu’applithécaire, je préfère le mot « médiateur ». car le numérique s’est emparé de beaucoup de médias, dont la sacrée « lecture ». Et les usages des outils sont plus que jamais au coeur de notre métier.

    • Bonjour,

      Votre phase de test se traduit par quoi? Les résultats sont plutôt positifs? Le travail de référencement est à destination des collègues ou du public? En parlant de l évolution du métier, je vous invite à lire l article C. Poissenot dans le dernier n° de Livres Hebdo. Il va complètement dans notre sens. Enfin, je suis d accord le terme « applithecaire » n est pas le plus approprié. Mais c est en référence au Bookcamp jeunesse. C est le terme que j ai employé lors d un atelier sur la médiation d applis en bibliothèque jeunesse. Mais oui, le bibliothécaire devient un véritable médiateur numérique. Bon courage pour la suite de vos expérimentations numériques !

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  20. Du taf en perspective certes… Mais ma casquette de conteuse me fait réagir à l’appellation (d’origine non contrôlée !) « Heure du conte » pour une « Heure à lire » somme toute assez classique, même si l’outil numérique la rend interactive !
    MG

    • Pourquoi l’appellation « heure du conte » serait-elle inappropriée ? Qu’il soit en version numérique ou papier, c’est le contenu qui est important. Le papier et le numérique rendent tous les deux la séance interactive. Une relation d’échange (sur le plan intellectuel et émotionnel) se met en place entre le conteur/liseur/animateur/bibliothécaire/médiateur (rayer les mentions inutiles) et les enfants. Mais en tant que conteuse, vous percevez probablement certaines nuances qui m’échappent :-).

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  24. Merci pour les réflexions et les pistes.
    Liseuses en approche (samedi = lancement du prêt) + tablettes en octobre prochain avec un travail d’applithécaire à prévoir.
    Terme qui me paraît aussi justifier que « bibliothécaire », « discothécaire », etc…

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