Guide pour construire un makerspace dans une bibliothèque

Disclaimer : Ce billet est le fruit d’une veille sur la thématique des makerspaces en bibliothèque. Ce n’est pas le résultat d’une expérience que je partage. Ce billet est donc théorique mais si vous avez une expérience pratique n’hésitez pas à la partager dans les commentaires.

Les bibliothèques et les lieux de fabrication partagent des gènes communs. Les makerspaces sont des lieux dans lesquels on se retrouve pour partager une ressource (matériel VS collection) et acquérir de nouvelles compétences (savoirs faire VS savoirs). Ce sont des lieux qui favorisent la collaboration et la création.

« Makerspaces are a natural evolution for libraries. »

Visiter

Cela peut paraître idiot de le préciser mais avant tout projet de makerspace dans une bibliothèque, il est primordial d’aller visiter d’autres structures et de rencontrer les personnes qui animent ces lieux. Vous trouverez assez facilement un lieu de fabrication numérique estampillé Fab Lab ou non. Vous bénéficierez ainsi de l’expérience des personnes concernant l’organisation, les ateliers, les horaires d’ouverture, les modalités d’inscription, des fournisseurs pour acquérir du matériel, les erreurs à éviter… Bien évidemment chaque structure est unique et ce qui réussit quelque part peut échouer ailleurs. N’hésitez pas à solliciter des experts de ces lieux pour les faire intervenir dans vos structures afin d’expliquer dans le cadre d’une formation en intra les enjeux de ce type de projet.

Le budget

Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, il n’est pas nécessaire d’avoir un budget colossal pour démarrer une activité de fabrication numérique au sein de sa bibliothèque. En effet, on peut commencer petit avec des objectifs qui ne sont pas démesurés. Nod-a avait réalisé un guide pour monter un fab lab et estimait qu’un projet pouvait être mis en oeuvre avec un budget de 5000 euros.

Pour l’acquisition du matériel et en particulier des consommables, cela peut être rapidement contraignant pour les bibliothèques. Plusieurs solutions existent et peuvent Kohabiter (mea culpa pour ce jeu de mots). On peut envisager de mettre en œuvre une régie d’avances/recettes pour pouvoir acheter plus facilement de la visserie et autre composants pour l’impression 3D. La mise en place d’une régie de recettes est pratique dans la mesure où une partie des services est payante (i.e faire payer l’utilisation de plastique pour l’impression 3D). Les usagers de l’établissement peuvent également s’organiser pour acheter le matériel et gérer cette ressource en commun et définir les modalités de fonctionnement de l’espace. Enfin, il existe un autre modèle qui n’est pas développé à ma connaissance en France. Il s’agit du crowdfunding ou de la collecte de fonds sans contrepartie. Des bibliothèques américaines ont eu recours à la plateforme DonorsChoose pour financer certaines activités ou acheter des imprimantes 3D.

De même, la récupération de vieux matériels est une alternative pour organiser des ateliers autour de l’électronique et l’informatique. Les services informatiques des collectivités s’avèrent être une ressource intéressante pour récupérer des machines vieillissantes. Si vous souhaitez organiser des ateliers avec des Lego, n’hésitez pas à solliciter les parents qui seraient prêts à donner une partie des briques avec lesquelles jouaient leurs enfants (voire même Lego qui sait !). C’est d’ailleurs une bonne manière d’impliquer les usagers qui aimeront certainement voir à quoi leur don a servi. Enfin, vous avez l’intention d’organiser un atelier d’origami afin de favoriser la créativité d’un public de jeunes enfants, allez donc piocher dans les livres que vous avez mis au pilon ! Les alternatives existent, cela demande de se creuser un peu plus les méninges. 😉

« La bibliothécaire n’est plus cette vieille dame qui vous demande constamment de faire le silence »

Prendre le temps

La mise en place d’un espace de pratiques numériques ne se fait pas du jour au lendemain. Les professionnels qui se sont lancés dans cette aventure recommande de ne pas aller trop vite. Ils invitent à réfléchir le projet en fonction des publics visés, des partenariats à construire. S’il s’agit d’un public de scolaires, le choix du matériel et la programmation implique une orientation spécifique. Par ailleurs, le fait de commencer à petite échelle avec un budget limité contraint à réaliser des choix cruciaux. Il n’est pas recommandé de foncer tête baissée en se laissant séduire par le son des sirènes technologiques en espérant que cela suffise à attirer le public. Rappelons que les makerspaces reposent sur un principe fondamental : le processus d’apprentissage. Les outils ne sont donc qu’un medium permettant de concrétiser ce principe. Mais il existe bien d’autres voies.

Les espaces

La sécurité doit être au centre de la réflexion lors de la configuration des espaces. Les espaces de travail doivent être suffisamment spacieux pour pouvoir se déplacer sans risque pour soi ni pour les autres. Il faut veiller à libérer les voies notamment en cas d’évacuation d’urgence. L’éclairage doit être adapté à des travaux parfois minutieux. De même, un système de ventilation doit être intégré notamment si vous utiliser des machines qui sont susceptibles de rejeter des particules ou des pollutions. Ces risques impliquent également de pouvoir fournir du matériel de protection (masques, gants, lunettes protectrices). Une bonne partie du mobilier (établis, rangement, étagère…) peut être récupérée ou fabriquée à moindre coûts.

Les outils

Les lieux de fabrication numérique sont généralement associés à un outil en particulier : l’imprimante 3D. S’il est vrai que c’est un instrument qu’on retrouve dans les makerspaces, ce n’est probablement pas l’outil le plus intéressant à utiliser dans le cadre d’un projet de makerspace. En effet, le temps d’impression du moindre objet atteint allègrement plusieurs heures avant d’être fabriqué. Je ne nie pas le côté sympathique et attrayant de ce matériel. Mais vous avez intérêt à avoir une flotte d’imprimantes 3D haut de gamme si vous souhaitez organiser un projet avec beaucoup de participants. On s’aperçoit rapidement que l’imprimante 3D va devenir le support pour d’autres projets de fabrication. Au-delà des machines outils, le biblio-makerspace doit pouvoir fournir des outils plus traditionnels (perceuse, ponceuse, scie, fer à souder…). Il est d’ailleurs recommandé de dispenser une formation préalable afin de prévenir tout risque de blessure des utilisateurs. Les consignes de sécurité doivent d’ailleurs être affichées et expliquées clairement (s’attacher les cheveux, interdiction de certains vêtements…)

« Ce n’est pas une collection d’outils qui définit un makerspace »

Toutefois, avant de se lancer dans l’achat de machines-outils, il existe d’autres ressources qu’on peut mettre en œuvre plus facilement. Je pense bien évidemment aux cartes Arduino qui permettent de s’initier à la programmation et à l’électronique. Plusieurs boutiques proposent des kit de démarrage. Dans le même genre mais d’un niveau plus accessible, vous pouvez proposer des animations autour de LittleBits. Sans oublier enfin, l’incontournable Makey Makey. Grâce à GoSphero, vous aborderez la problématique des objets connectés et découvrirez quelques exemples concrets.

Une fois encore je le répète, l’électronique et l’informatique ne sont pas les seules activités qui peuvent être organisées dans un lieu de fabrication numérique. Ces espaces doivent pouvoir accorder une place à toutes les pratiques créatives (musique, peinture, écriture…).  D’ailleurs, la question de la place et des espaces est fondamentale. La bibliothèque qui souhaite se tourner vers le Do It With Others doit impérativement repenser son aménagement. Les usagers doivent pouvoir bénéficier d’espaces ouverts, des tables et des sièges mobiles qui facilitent le travail collaboratif. Bien évidemment, ces espaces doivent être en capacité de fournir aux usagers un minimum de services afin de favoriser le BYOD (prises électriques, câbles et prises réseau, wifi avec un débit convenable…). Peu importe la forme choisie, la bibliothèque devient moins un lieu construit sur les collections qu’un espace ressource pour une communauté. Ainsi, la bibliothèque devient un véritable soutien à l’innovation et à la création. La bibliothèque devient plateforme.

 

11 commentaires à propos de “Guide pour construire un makerspace dans une bibliothèque”

  1. Rétroliens : Guide pour construire un makerspace dans une bi...

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  4. Merci pour cette synthèse Thomas.
    Je rebondis sur un point un peu anecdotique dans l’ensemble de ton texte : le recours au crowdfunding. C’est une option de financement qui peut être tentante mais en même temps, dans un service public français ça me semble difficile sur un plan politique (notre financement participatif il existe déjà, c’est l’impôt…)
    Les rares fois où j’ai entendu parler de crowdfunding d’un service public c’était une solution de dernier recours (là par exemple : http://biblionumericus.fr/2015/08/27/guide-pour-construire-un-makerspace-dans-une-bibliotheque/). Si tu as d’autres exemples moins « couteau sous la gorge », ça m’intéresse…

    • Merci Nicolas pour ton commentaire. Tu as raison le crowdfunding me semble difficilement transposable pour un établissement public. Mais l’idée est tout de même intéressante.
      Je n’ai pas d’autres exemples mais si j’en trouve je te le signalerais.

  5. Rétroliens : « Une imprimante 3D, mais qu’est – ce que ça vient faire dans une bibliothèque ? » | La fabrique à idées

  6. Rétroliens : Les bibliothèques se transforment en espaces créatifs : quand les usagers deviennent acteurs | C'est pas demain la veille

  7. Rétroliens : Veille – 15.11.15 | Biblio Kams

  8. Rétroliens : Guide pour construire un makerspace dans une bi...

  9. Rétroliens : Le troisième lieu…et après? – La médiathèque du futur

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