Coronavirus, le virage manqué des bibliothèques ?

#RestezChezVous est le mot d’ordre. En raison de la crise sanitaire que traverse le pays, une bonne partie de la population est contrainte au confinement. Cette crise est intéressante à plus d’un titre et représente un événement important pour les bibliothèques.

Les métiers indispensables à la vie de la Nation

Un des grands problèmes que notre profession a dû mal à surmonter est la vision bibliocentrée des professionnels. Combien pensent que la bibliothèque est le centre de gravité de la vie des individus ? Il suffit de regarder les thèmes de journées d’étude, de congrès et de la presse professionnelle pour mesurer l’étendue du problème. Certes, ce réflexe est légitime mais il est aussi ce qui nous a éloigné d’une partie des usagers. Des situations exceptionnelles comme celle que vivons actuellement mettent en lumière ce problème.

Nous ne sommes pas indispensables à la vie de la Nation ni à celle des individus. Si c’était le cas, une loi imposerait à chaque commune d’avoir un établissement de lecture publique. Le taux d’inscription des usagers serait également bien plus haut. Certes nous sommes utiles, nous pouvons permettre à des individus de trouver des ressources qui leur permettront de transformer leur vie. Mais nous ne sommes pas indispensables. Croire que nous le sommes est une fois de plus l’expression du syndrome du bibliocentrisme.

Ce bibliocentrisme a pu sembler se justifier au siècle dernier. Avant le développement des usages numériques du 21ème siècle, les bibliothèques jouissaient d’un monopole sur l’accès aux savoirs et aux connaissances. A travers leurs collections, elles étaient les seules à pouvoir garantir l’accès à l’information aux individus. Mais ce tropisme des collections constituant l’ADN d’une partie de la profession devrait être résolu.

« Ce tropisme de la collection chez les bibliothécaires fait oublier que l’existence d’une collection imprimée n’est que la conséquence de la rareté de l’espace disponible dans les bâtiments que sont les bibliothèques. Le numérique permet de briser cette rareté, ce qui déplace l’enjeu de la collection vers la médiation des contenus. »

Source : Silvere Mercier

D’avoir fait des collections l’alpha et l’oméga de la profession sans prendre en compte l’évolution des usages et les progrès des technologies de l’information et de la communication conduit les bibliothèques à être reléguées en deuxième division en cas de crise comme celle du coronavirus qui nous contraint au confinement.

L’indispensable médiation

A l’heure où le web fournit un accès à une quantité illimitée de contenus, l’enjeu réside dans la capacité à pouvoir accompagner dans le choix. L’abondance de ressources disponibles induit la question du choix. Comment faire pour choisir, pour accéder, pour découvrir dans un océan de contenus ?

La crise de confinement que nous vivons révèle très précisément ces enjeux. Nous disposons d’un temps supplémentaire exceptionnel que nous devons combler. Avec des plateformes de musique proposant plusieurs dizaines de millions de titres, avec des services de vidéos à la demande avec un catalogue dont le temps de visionnage dépasse l’ensemble d’une vie, des plateformes de jeux vidéo en illimité, l’accès aux contenus n’est définitivement plus un problème. Tout le monde a compris que tout se jouait désormais dans l’accompagnement et le recommandation… sauf peut-être les bibliothécaires.

Les sites de presse spécialisée ou généraliste ont depuis longtemps compris la nécessité de proposer un accompagnement au choix. Bien évidemment, je mentirai en disant que les bibliothèques n’ont rien fait de similaire. J’ai vu passer des posts sur les réseaux sociaux qui recommandent des contenus à leurs usagers. Cependant, il s’agit souvent de renvois vers des ressources numériques auxquelles sont abonnées les bibliothèques. En effet, beaucoup de bibliothèques vont profiter de l’occasion pour faire de la promotion de leurs ressources numériques mais pas de la médiation. Elles communiquent en indiquant que plus 15000 livres sont disponibles en version numérique à télécharger. On retrouve à nouveau cette logique de collections et non pas la tentative de faire coïncider un besoin informationnel/documentaire avec des ressources. (Ex: 3 pour tablettes à télécharger pour occuper vos enfants, 5 sites pour vous aider à assurer la continuité pédagogique à la maison, 8 jeux vidéo pour faire passer le temps…).

Accès verrouillé VS accès ouvert

Promouvoir un accès à des plateformes de livres numériques (chut, chut, pas de marques) de la bibliothèque, c’est prendre le risque d’avoir des usagers qui restent sur le carreau et n’arrivent pas à télécharger leur epub en raison des difficultés d’accès des usines à gaz qu’on a l’habitude de proposer. Pour accéder à ce genre de contenus, les usagers doivent saisir leur identifiant, leur mot de passe, créer un compte Adobe Digital Editions pour gérer les DRM, ne pas avoir oublié le mot de passe s’ils avaient déjà créé leur compte… Toutes les étapes pénibles qu’on a l’habitude de gérer au quotidien auprès des usagers ne pourront certainement pas se faire à distance en période de confinement. En ne proposant que cette catégorie de ressources, nous risquons de nous couper d’une partie des usagers qui vont bénéficier d’un accès ultra simplifié à des plateformes commerciales voire illégales.

Par ailleurs, le modèle économique des plateformes comme PNB est contradictoire avec la période que nous vivons. Ces ressources numériques s’appuient sur des systèmes de jetons attribués par titre. Autrement dit elles reposent sur la rareté. Au-delà de la limite fixée par les éditeurs, il faudra racheter le livre. Comment faire pour acheter des documents en période de confinement ? Comment faire signer un bon de commande ? Encore une fois, le prisme des collections nous met hors-course. Alors que Canal + propose un accès gratuit pendant la période de confinement, ainsi que le média Les jours, des plateformes de podcasts, des éditeurs de manuels scolaires, l’Opéra de Paris… est-ce que les éditeurs qui proposent des titres via PNB vont supprimer le nombre de jetons pour permettre un accès le plus large possible le temps du confinement ? L’initiative de Publie.net mérite d’ailleurs d’être saluée. Pendant 15 jours, une partie du catalogue est accessible gratuitement et diminue le prix de l’abonnement.

Prendre le train en marche

Il n’est pas trop tard et nous pouvons collectivement essayer de prendre le virage numérique des usages. Ce n’est pas de proposer des ressources numériques qui feront de nos bibliothèques des établissements modernes. Notre résilience réside dans notre capacité à comprendre les enjeux de la médiation numérique des savoirs. Je ne dis pas qu’il faut arrêter de nous concentrer sur les collections, je dis qu’il faut qu’on rajoute une nouvelle corde à notre arc. Il faut qu’on intègre véritablement dans nos activités bibliothéconomiques le web et les contenus qu’il fournit. Nous devons être en phase avec les pratiques actuelles des individus qui reposent sur une connexion internet mobile. Inscrivons-nous dans l’écosystème de leurs usages en concevant des dispositifs de médiation adaptés. Cette voie sera la seule voie qui nous permettra de justifier notre utilité.

24 commentaires à propos de “Coronavirus, le virage manqué des bibliothèques ?”

  1. salut Thomas,
    dans ce contexte très particulier d’épidémie, l’inutilité des bibliothèques saute aux yeux ! C’est une bonne intention de vouloir garder contact avec nos lecteurs alors que nos lieux sont fermés, mais je vois mal comment on pourrait leur être utile de manière concrète.
    Je compatis avec les collègues qui font semblant de travailler depuis chez eux, probablement dans le soucis de justifier une activité et conserver ses revenus (le soucis de nous tous étant de remplir son frigo), mais le plus utile c’est de rester chez soi et rendre soin de sa cellule familiale.
    Autant avant le confinement on avait la possibilité de faire entrer dans nos collections des contenus pouvant préparer les gens intellectuellement à un effondrement (permaculture, collapsologie, manuel de survie en cas d’effondrement économique, cuisine, etc), mais maintenant que nous sommes confinés il est trop tard pour prodiguer nos « conseils ». D’ailleurs nous ne pouvons plus leur prêter ces documents. Si on ajoute le fait que notre parole n’est pas complètement libre, car nous nous exprimons sous le contrôle de nos autorités de tutelle (qui eux même ont très peu de solutions à nous apporter), la marge d’action des bibliothécaires est selon moi très réduite en tout cas pendant le confinement total.
    Pour ma part, je prend du recul par rapport au métier et me concentre sur tout ce qui me permettra de limiter mes contacts physiques avec l’extérieur (faire son pain, cuisiner, bricoler) tout en me tenant attentif aux éventuels besoins de mes voisins (on discute de loin, hein !) en cas de galère.
    Bien sur si à un moment on a des galères de télécommunications, ceux qui n’ont plus 1 bouquin chez eux (et il y en a beaucoup !) vont avoir un choc, et là les collections pourraient reprendre un peu d’importance.
    Dans tous les cas, bons courage à toutes et à tous, prenez du recul, arrêtez de faire semblant de bosser, recentrez vous sur l’essentiel, et si possible bossez de chez vous sur votre résilience !

    • Bonjour Stéphane,

      Justement nous pouvons être utile en mettant en oeuvre des dispositifs de recommandations de contenus. Faire la promotion de son service de livres numériques est bien mais limitée. Il faut pouvoir proposer du contenu ciblé, de qualité et pertinent. A la différence des sites qui font de la recommandation pendant le confinement (ou en temps normal), nous connaissons nos usagers parce que nous les côtoyons physiquement. Nous devons miser sur cette plus-value. Il n’est pas trop tard pour prodiguer nos conseils, la médiation peut s’enclencher à tout moment y compris en confinement. Ca suppose une organisation en interne, qui peut écrire, qui a accès aux outils de publication de la bibliothèque, quel planning de publication. Ce ne sont que des questions logistique auxquelles nous pouvons répondre très facilement. Cependant, la culture de l’écriture web n’est pas acquise globalement. Et c’est là que réside l’écueil principal.

  2. Rétroliens : Bibliothécaires en confinement : plan d’attaque ! #coronavirus – Je veille… culturelle !

  3. Bonjour et merci pour cet article particulièrement intéressant. J’ai noté juste une petite erreur sur la fin à « pratiques actueles » au lieu de « pratiques actuelles » mais c’est une broutille à côté de la qualité de votre réflexion avec lesquels je suis en grande partie en accord.

    Je me permet par la même occasion de modérer le premier commentaire de STEF. Je travaille dans le monde des bibliothèques depuis très peu de temps mais je suis en désaccord avec le fait d’affirmer que les collègues fassent « semblant de travailler » à la maison (il y en a probablement, je n’en doutes pas, mais de là à dire que ça soit la majorité, je demande à voir).

    Je pense que là aussi c’est une méconnaissance de la myriade de possibilités qu’offre le numérique que de dire que l’on ne peut « rien faire » comme travail de bibliothécaire chez soi. Il y a des choses que l’on peut faire mais je suis d’accord sur le fait que c’est n’est peut-être pas la priorité du moment.

    Pour en revenir à l’article, encore merci car cela amène à réflexion et j’espère que cela permettra de se poser les bonnes questions dans les équipes. Que les bibliothèques actuelles apprendront ainsi à s’adapter pour offrir dès demain, des services innovants de manière plus général et qu’elles jouent, comme vous le dites si bien, en première division et non en seconde.

    • Bonjour Alexandre,
      Merci pour ce commentaire et de m’avoir signalé la coquille, je viens de la corriger. Tant mieux si l’article favorise la réflexion, c’était le but. Je pense que nous avons beaucoup à apprendre de cette situation et devrons repenser notre pratique en profondeur quand la situation sera redevenue normale.

    • Bonjour,

      Je rejoins les propos de Soldierdin. Le numérique offre tant de possibilités que je ne vois pas comment un-e bibliothécaire peut se retrouver sans missions. Cette période est idéale pour mener de telles réflexions. Ayant une meilleur connaissance des bibliothèques universitaires, je me contenterai du potentiel qui s’offre à elles. Cela me rappelle en effet, ma lecture de « Communs du savoir et bibliothèques » (Lionel Dujol, 2017). Il y a tant d’inspirations à puiser dans cet ouvrage ! Notamment, pour les BU, en ce qui concerne la participation au libre accès à l’information scientifique. Mais je pense que, quel que soit le type de bibliothèque, penser numérique et communs des savoirs nous sera bénéfique.
      Bien à vous

  4. Bonjour,
    Oui en période de confinement, les bibliothèques sont reléguées au second plan, de même que les théâtres, les salles de cinéma et tous les lieux qui permettent aux gens de se rencontrer, de créer du lien social. L’article m’inspire plusieurs remarques : cela veut-il dire pour autant qu’après le confinement, les gens auront trouvé tellement formidable de rester chez eux, d’être coupés des autres, d’avoir découvert toutes ces ressources depuis un écran d’ordinateur qu’ils déserteront les bibliothèques ou tout autre lieu culturel ? Je ne crois pas, car oui les bibliothèques sont indispensables à la vie sociale, ont un rôle éducatif essentiel.
    De plus, les bibliothèques sont peut-être en retard sur la médiation en ce qui concerne les ressources numériques mais aujourd’hui on demande toujours plus aux bibliothèques. Et avec les moyens qui leur sont alloués, elles consacrent la quasi totalité de leur énergie à proposer du « contenu humain », des rencontres, des ateliers, des spectacles, et se consacrent à l’accueil et l’accompagnement des publics, de tous les publics, y compris ceux qui vivent la fracture numérique.
    Cette période de confinement est une parenthèse (qui j’espère ne se renouvellera pas trop souvent), et il faudra certainement que les bibliothèques repensent leurs missions/positionnement pour ce type de crise (comme par exemple proposer un drive de livres), mais je ne pense pas que cela doive se faire au détriment de nos missions habituelles qui sont essentielles. On ne va pas décréter demain que désormais les enfants n’iront plus à l’école, qu’ils regarderont des programmes TV éducatifs et feront leurs devoirs en ligne.
    Je vais donc retourner à mon télétravail : mise en place de nouvelles fonctionnalités sur le portail de la médiathèque, commandes, préparations d’animations, PEAC avec les collèges, lecture d’articles professionnels (sur lesquels nous n’avons jamais le temps de nous arrêter), et bien sur lecture. Quel bibliothécaire comptabilise les heures qu’il passe chez lui à des lectures qui sont en réalités des lectures pour la préparation de la venue d’un auteur, pour une lecture en ehpad, pour un accueil de classe ? Pour une fois que nous pouvons le faire sur notre temps de travail… Je vais aussi prendre des nouvelles de mes collègues, certains sont seuls chez eux.
    Alors je n’ai pas honte de dire que je ne passe pas 8h par jour devant mon ordinateur pendant cette période de confinement, et d’ailleurs je ne pense pas que mon maire me demandera des comptes à la fin. Chacun a sa propre conscience professionnelle, et cela est vrai tous les jours, confinement ou pas. Pendant cette période de confinement, je ne fais pas semblant, je fais ce qu’il est possible de faire.
    Je me suis aussi portée volontaire pour faire des courses à des personnes qui en auraient besoin et pour aider un maraicher qui est assailli de commandes, car cela me semble aujourd’hui être la priorité.

    • Bonjour Géraldine,

      Merci pour ce riche commentaire qui permet d’alimenter la discussion et la réflexion. Je vais essayer de répondre à plusieurs de vos arguments en essayant de ne pas les dénaturer.
      Concernant le retour à la normale et le besoin de retrouver des liens avec les autres. Je ne suis pas certain que les gens vont se ruer immédiatement dans les bibliothèques pour revoir des gens. Ils vont profiter pour sortir, ne pas être entre 4 murs, vont aller dans les parcs, dans la rue, dans les bars. D’autant plus que la période de fin de confinement coïncidera avec les beaux jours. Cette période n’est généralement pas la période la plus fréquentée par les usagers. (Exceptés les lycéens qui révisent le bac…). Les gens profiteront de ce retour à la liberté pour voir leurs amis, leur famille et aussi leurs collègues. C’est illusoire de croire que nous avons un lien social particulièrement fort. Combien d’usagers fréquentent la bibliothèque sans avoir d’interaction sociale avec les autres personnes présentes ? La bibliothèque, en tant qu’institution et service public, est un lieu qui peut être vécu comme austère, froid, propice à l’anonymat. Le panel des sentiments ressentis est très large.
      Vous avez raison lorsque vous dîtes qu’on en demande plus aux bibliothécaires. Mais nous avons notre part de responsabilités. Nous acceptons ces charges de travail supplémentaires ou de monter toujours plus d’animations. Mais cela est aussi le signe que les bibliothèques traversent une crise identitaire forte. Si nous pensons que les collections sont le coeur de notre activité, force est de constater que cette activité se désagrège avec les années (Le taux moyen d’inscrits qui baisse, les BDP qui supprime les dessertes via des bibliobus…) parce que les connaissances sont accessibles via d’autres canaux dans des conditions beaucoup plus pratiques (accès simultanés et instantanés permis par le numérique). Face à cette baisse tendancielle du taux d’emprunt, nous essayons de survivre en justifiant notre utilité en multipliant les activités qui sont chronophages et qui nous éparpillent.
      Les bibliothèques doivent repenser leur positionnement et leurs missions. Profitons de cette situation exceptionnelle pour prendre la mesure de la situation et agir. Sinon nous sommes condamnés à comme l’équipage du Titanic qui voit l’iceberg au loin mais qui ne change pas de cap parce que le bateau est supposé être insubmersible. Je suis quasi certain que dans certaines collectivités la fermeture des bibliothèques va produire des conséquences catastrophiques. Une pression financière va imposer les collectivités de revoir la répartition des budgets pour 2020-21. Nous aurons alors la preuve supplémentaire que les bibliothèques ne sont pas indispensables…

      • Vous jouez les Cassandre, ce discours est en plus un peu daté . Depuis les années 2000, il y a eu le troisième lieu et les Zybrides de l’ABF qui sont passés par là. Beaucoup de bibliothèques ont déjà fait leur révolution. Il y a beaucoup de bibliothèques qui sont chaleureuses, modernes, accessibles et ouvertes, très fréquentées. Non les bibliothèques ne sont pas vitales comme les hôpitaux mais elles tiennent un rôle toujours aussi fort dans l’accompagnement à la lecture et à l’apprentissage de manière générale, dans le lien social (le seul lieu public gratuit ouvert à tous et où en plus on acueuille les gens avec le sourire ! comment peut on faire ce métier sans croire à ça ?) , la vie locale de milliers de communes. Le rapport à la culture, aux savoirs et bien différent qu’en grande-Bretagne. C’est pour ça qu’une fermeture massive de bibliothèques ne me semble pas plausible même si la baisse des moyens est forte dans le contexte du bulldozer néolibéral et va l’être encore plus avec le Covid

        • Bonjour Federica,

          Merci pour votre commentaire. Cependant vous vous trompez, les bibliothèques n’ont pas faire leur révolution. Beaucoup se sont laissées embarquer par une forme de solutionnisme technologique qui s’est traduit par l’acquisition de matériels électroniques, de tablettes ou de liseuses. L’exemple le plus symptomatique aujourd’hui est probablement l’imprimante 3D. Mais ce n’est pas ça qui constitue une transformation numérique d’une bibliothèque. Le virage de la médiation numérique n’a pas été adopté par la profession. Il a seulement été adopté par des bibliothécaires.
          Concernant l’accueil convivial et spontané que vous évoquez, il est valable quand ce sont des usagers modèles qui correspondent aux attentes des bibliothécaires. Quand il est autonome, qu’il emprunte des lectures à forte valeur ajoutée sociale (ou dit autrement quand il n’emprunte pas Musso), quand ce n’est pas ado bruyant, quand ce n’est pas un SDF qui sent mauvais, ou une personne avec des troubles psychologiques. Quand ce n’est pas ce genre d’usagers l’accueil est souvent chaleureux, je vous le concède. J’exagère le trait mais le fond est vrai. Et d’ailleurs beaucoup de bibliothécaires choisissent encore aujourd’hui cette profession pour l’amour des livres et non pour servir des publics dans leur diversité.

  5. Bonjour,

    Je rejoins à la fois Geraldine et Federica.

    Sans être forcé de considérer les bibliothèques comme le centre de notre vie, il y a en revanche un fossé jusqu’à dire qu’elles ne sont pas essentielles ! Vous arguez qu’avec le coronavirus nous sommes fermées et que donc nous ne sommes pas essentielles. Doit-on en conclure que les écoles ne sont pas essentielles ? Vous ressortez le serpent de mer de l’absence de loi sur les bibliothèques… Non il n’y a pas de loi et alors ? Dois-je en réaction dégainer la charte de l’UNESCO ? Rappeler que les bibliothèques sont (de loin) le premier établissement culturel des villes (et là je parle en terme d’usagers) ?
    Bref entre le bibliocentrisme que vous dénoncez et l’auto-flagellation dont vous faites preuves il y a un juste milieu.

    En outre tirer des conclusions sur nos missions par rapport à un situation aussi exceptionnelle que celle que nous vivons actuellement me paraît hasardeux. Personnellement j’en tirerais en outre des conclusions inverses: remettre l’humain et le lien au centre. Donc oui multiplions les heures du conte, les ateliers de lecture à destination des primo-arrivant, les petits-déjeuners pour les jeunes mamans etc. ça fait du lien humain, ça fait du lien social et c’est également (et peut-être avant tout) ça le rôle des bibliothèques (surtout des bibliothèques municipales.)

    Enfin, comme le dit Frederica, les bibliothèques ont multiplié les initiatives en terme de ressources numériques depuis maintenant au moins des dizaines d’années. Les établissements modernes ont bien pris en compte la désaffection pour les collections physiques et Lilliad, prix livre hebdo du nouveau bâtiment, a rouvert avec une collection physique moindre de 30 %. En bibliothèque universitaire, le budget alloué aux collections physiques ne cesse de baisser au profit des onéreux bouquets numériques.
    Ce ne sera jamais assez pour une frange de la profession dont c’est le cœur de métier. Pour ce que j’ai pu constater de mes années en BM, malgré toute la médiation que nous pouvions faire autour de nos ressources numériques, cela ne prenait pas, ce n’est pas ce qui intéresse nos usagers. Mais dans ces cas là la rhétorique s’inverse, l’usager cesse d’être le centre du discours ou alors il a mal compris, ou c’est nous qui avons mal expliqué.

    Je finirai par votre scepticisme quant au succès des bibliothèques à la fin du confinement. Comme le souligne Federica, je ne jouerai pas les Cassandre. Je ferais donc un constat qui nous a fait chaud au cœur avec les collègues: dès les annonces de confinement faites, les collègues d »établissement de lecture publique ont connu une affluence record le samedi avec des gens qui ont fait d’incroyables provisions. Donc pour une partie de nos concitoyens, nous faisons partie des services de première nécessité.

    Avec toutes mes excuses pour ce commentaire que je sais également engagé, mais votre subjectivité est à l’opposé de la mienne et je n’ai pas pu m’empêcher de réagir.

    Alexandre.

    • Bonjour Alexandre,

      Tout d’abord je vous remercie pour votre commentaire et d’avoir pris le temps d’exposer votre avis. Vous n’avez surtout pas à vous en excuser et je suis ravi que vous ayez réagi. C’est bien l’objectif de susciter une réflexion.

      Je pense que la comparaison avec l’école n’est pas juste dans la mesure où les profs continuent de faire cours. Certes dans des conditions difficiles, avec beaucoup de débrouille, de volonté et le souci de ne pas laisser leurs élèves sur le carreau mais ils arrivent assurer une continuité pédagogique. Et penser l’inverse consiste à rejoindre la position de Sibeth N’Diaye qui a récemment déclaré que les enseignants ne travaillaient pas. Et quoi que vous pensiez de l’argument de la loi sur les bibliothèques, la scolarité est obligatoire jusqu’à 16 ans en France. Donc les écoles sont indispensables. Pas nous. Comme vous l’évoquez, nous avons des textes fondamentaux que nous aimons brandir pour tenter de justifier notre place, mais il ne s’agit là que d’un charte jouissant d’un fort capital symbolique pour les bibliothécaires. Et je pense que les pouvoirs publics anglais se sont bien assis sur cette Charte quand ils ont décidé de fermer 800 bibliothèques ces 10 dernières années.
      Je ne pense pas que le premier rôle des bibliothèques soient de créer du lien. Leur mission première, à mon sens, est de favoriser l’accès aux savoirs et aux connaissances de manière équitable et sans discrimination. Chercher à vouloir créer du lien, c’est perde de vue cette mission et prendre le risque d’organiser tout et n’importe en bibliothèque parce que nous n’avons plus de boussole.
      Enfin, concernant les ressources numériques, cela a été la plus grande erreur des bibliothèques qui ont voulu se lancer dans le numérique. Les ressources numériques sont une épine dans le pied pour les bibliothécaires. Nous déployons une énergie folle pour faire en sorte que les usagers utilisent à ces ressources sans réfléchir à leurs besoins informationnels. On communique sur des ressources fournissant un accès à 15 000 livres numériques. Et alors ? le Web en regorge des centaines de fois plus. Et pour les usagers les plus motivés, leur expérience utilisateur est dégradée à cause des usines à gaz qu’on leur propose. Il faut se créer des comptes, se souvenir d’un enième mot de passe, installer un logiciel, ce n’est pas accessible sur smartphone… Nous défendons des ressources que nous-mêmes n’avons pas envie d’utiliser. Et pourtant, on en a engagé de l’argent public dans ces ressources numériques depuis près de 20 ans. Justement ce qui intéresse nos usagers, c’est d’être en phase avec leurs usages, leurs pratiques, leurs codes. Ne nous coupons pas d’eux en nous focalisant sur les collections physiques.
      Anticipons pour une fois. Le train des usages numériques ne va pas s’arrêter ou faire demi-tour. Pour l’instant le livre est encore protégé mais la digue va finir par céder. Nous regardons nos CD mourir peu à peu, cela commence avec les DVD. D’autres offres existent aujourd’hui, légales ou pas, mais les usagers vont y avoir de plus en plus recours. La médiation numérique est indispensable.

      • Re-bonjour Thomas,

        Mon précédent commentaire ayant disparu lors du poste par ce que je n’avais pas rempli les champs ci-dessous, je ne vais pas le refaire aussi long et développer point par point.

        Je reprends juste votre remise en cause de ma comparaison avec les écoles, qui vous conduit à assimiler mes propos à ceux de Sibeth Ndiaye. Ma comparaison est valable justement parce que nous pouvons travailler aussi à domicile comme les enseignants. C’est vous qui faites votre Sibeth Ndiaye au détriment de votre propre corps de métier. Géraldine vous a décrit son télétravail, personnellement je relis et relis et rerelis le CCTP pour la migration de notre SIGB (ainsi que trois autres collègues), prépare les deux prochaines expositions, rédige enfin l’acte pour un colloque de décembre sur les donations faites à la bibliothèque de notre établissement au XIXème siècle (ce travail scientifique que l’urgence du quotidien me pousse à, sinon sacrifier, du moins repousser) et réécris la préface pour la réimpression d’un fac-simile de l’un de nos manuscrit phare etc. Mes collègues quant à eux et malgré des coupures fréquentes ce qui rend le travail très pénible, s’acharne à corriger les notices via Winibw… Je vous avoue trouver de la part d’un collègue vos propos assez dangereux: c’est tout le travail de pédagogie fait auprès des tutelles mis par terre.

        Pour résumer sur les autres points :

        Je vous rejoins sur le fait qu’une de nos missions est l’accès neutre et gratuit à la connaissance, mais en revanche c’est devenu une de nos missions et il me semble que la popularisation du concept de troisième lieu par Mathilde Servet était aujourd’hui acquis. La population SDF notamment est un public réfléchi de notre profession (au moins un mémoire de DCB et tout le travail de nos collègues de la BPI) et je suis conscient que dans des bibliothèques certains collègues doivent les voir d’un mauvais œil mais je ne peux pas laisser passer votre réponse à Federica à ce propos sans répliquer que mes anciens collègues d’Amiens pour ne pas les citer les accueillent comme des lecteurs normaux (sans non plus les embrasser à leur arrivée) et s’il peut y avoir de temps en temps des tensions, les agents d’accueil notamment prenaient la peine d’appeler le foyer d’un des SDF habitué pour leur annoncer son retour et s’assurer qu’il sera bien pris en charge à son arrivée.

        Enfin le train du numérique oui. Le tout numérique non. Ce qui est la conclusion à tout ce qui précède ! Votre service numérique et médiation numérique doit être une des composantes de votre établissement, pas la seule ni celle autour de laquelle s’organise toute la politique de votre établissement. Après je comprends que vous préchiez pour votre paroisse 😉

  6. Bonjour,

    Je suis bibliothécaire pour les bibliothèques de Montréal et je vous rejoins sur beaucoup de points que vous évoquez.
    Je trouve que la profession a une tendance a beaucoup se fantasmer, à imaginer ce que veut le public sans jamais vraiment se mettre à sa place. Je trouve très juste votre commentaire sur l’éparpillement des bibliothèques.
    D’accord que les DRM d’Adobe nous pourrissent la vie et que les solutions de lecture numérique en français sont pas les meilleures. Mais les DRM sont partout désormais, c’est juste devenu transparent quand c’est bien fait. L’application Libby d’Overdrive pour le prêt de livres en anglais est excellente et fonctionne avec un système de protection qu’on ne voit pas, même chose pour plein de plateforme commerciale comme Steam.
    D’accord aussi sur le fait que les biblio s’embarquent dans des ressources numériques sans parfois trop réfléchir. Comme vous le dites, on a investi souvent de l’argent dans des ressources que nous essayons de défendre à grand-peine car nous les utilisons pas nous-même bien souvent…

    Par contre, je me pose quelques questions sur vos propositions :
    Faire de la médiation de type « 5 applis pour l’aide aux devoirs », il serai temps que les bibliothèques s’y mettent mais des centaines de sites le font déjà comme vous le signalez. Comment sortir notre épingle du jeu à refaire un énième article sachant qu’un site de bibliothèque n’a pas la force de diffusion d’un journal comme Télérama, Buzzfeed ou de l’appstore?
    Est-ce que c’est ce que le public attend de nous? N’attend-il pas de nous que nous leur proposons du contenu exclusif aux bibliothèques, gratuit et centré sur leur besoin? Vous prenez comme exemple le travail de médiation des journaux en ligne, mais si j’étire un peu et que je compare, soyons fou, à Netflix : quand je m’abonne à Netflix, je m’attend à trouver une variété de contenu et à de la médiation sur ce contenu, pas vraiment à de la médiation sur du contenu extérieur, même si ce serait sans doute apprécié (je sais pas si vous me suivez :D). Il me semble que pour les bibliothèques, on peut très bien faire un mix des deux, encore faut-il avoir investi dans des ressources numériques performantes, intéressantes et peu complexes (et on peut pas dire qu’on soit choyé…)

    Avez-vous des exemples concrets de bibliothèques qui ont fait leur preuve en terme de médiation dont vous parlez? Je trouve très sympa le compte instagram des bibliothèques publiques de Singapour qui valorisent leur contenu : https://www.instagram.com/publiclibrarysg/

    Vous dites aussi « On communique sur des ressources fournissant un accès à 15 000 livres numériques. Et alors ? le Web en regorge des centaines de fois plus. » C’est vrai mais vous parlez de livres piratés non? Parce que si vous parlez des livres libres de droit, ce n’est pas du tout ce que recherche le public…

    Enfin, je vais terminer avec l’expérience que nous vivons à Montréal.
    Si nos collections numériques n’ont pas tant d’intérêt comme vous semblez le suggérer, comment expliquer que nos emprunts numériques francophones ont augmenté de 115 % si on compare les deux semaines avant et après la fermeture des bibliothèques de Montréal…? Pourquoi la demande d’abonnement à distance a explosé à tel point qu’on ne sait plus où donner de la tête? Des gens dont l’abonnement était expiré depuis plus de 10 ans se rappellent de nous et nous demandent des renouvellements pour accéder à la bibliothèque numérique.
    Pourquoi reçoit-on des demandes d’abonnements à distance, pour profiter de nos livres numériques, provenant de pays comme la France et pas mal d’autres pays francophones?
    La publication faite sur la page Facebook « On vous prête gratuitement 37 129 livres numériques » est celle qui a suscité le plus d’engouement chez nous (+ de 1000 partages).

    J’ai beaucoup de questions et pas beaucoup de réponses mais j’ai des faits devant les yeux que je voulais vous partager 🙂

    Merci de m’avoir lue 🙂

    • Bonjour Stéphanie,

      Je vous remercie pour votre commentaire et votre éclairage sur la situation à Montréal.

      Si j’essaie de reprendre dans l’ordre vos remarques, je suis d’accord avec vous. Il y a des tas d’autres médias comme ceux que vous citez qui font de la recommandations et ils le font même très bien. Les journalistes qui écrivent ces recommandations de contenus écrivent mieux que nous parce qu’ils sont formés pour ça. Ils disposent d’interfaces plus jolies que les nôtres parce que les rédactions investissent de l’argent pour ça. Mais nous jouissons d’un avantage et d’un atout extraordinaire : nous n’avons rien à vendre à nos usagers. On n’est pas dans une logique de courses aux clics pour alimenter des régies publicitaires. On entretient un lien sain, sincère et authentique avec les usagers. C’est dans ce rapport de confiance que réside notre valeur-ajoutée par rapport à tout ces médias. Nous connaissons nos usagers, nous savons ce qui peut les intéresser. Le challenge est ambitieux mais nous devrions pouvoir le relever. Et cela nécessite en premier lieu de revoir les maquettes des formations en métiers du livre. Rien que le nom est devenu réducteur (je parle pour la France, je ne sais pas comment c’est organisé chez vous)… Il faut accorder une plus grande place à la médiation dans la formation initiale des futurs bibliothécaires.

      Ensuite, je ne suis pas sûr que les usagers attendent des contenus exclusifs produits et fournis par la bibliothèque. Comme vous le dîtes, on n’est pas Netflix. Quand ils viennent emprunter des livres, ils ne s’attendent pas à lire des livres écrits par les bibliothécaires. Pourquoi cela changerait-il dans l’environnement numérique ? Les usagers ont des besoins : informationnels, documentaires ou de divertissements. Ils n’accordent pas tellement d’importance à l’origine de la source tant que ça peut leur permettre de satisfaire ces besoins.

      Quand je compare les titres disponibles via Pretnumerique.ca, Libby ou PNB en France à ce qui existe sur le web, je parle effectivement de ce qui est disponible légalement (les offres de streaming payantes) ainsi que les offres illégales. Il serait illusoire de croire qu’aucun de nos usagers ne téléchargent de façon illégale…Mais ce n’était pas le sens de mon propos. En faisant cette comparaison, je voulais montrer qu’une fois de plus on raisonne en terme de collections et cela ne peut pas fonctionner parce qu’à ce jeu-là, le web regorge de collections bien plus riches et variées que nous. Cependant, cette immensité de contenus pose la question du choix. Comment je fais pour choisir et découvrir dans une abondance de choix ? C’est là que nous intervenons.

      Enfin, concernant votre expérience satisfaisante liée à l’utilisation de ressources numériques chez vous, c’est très bien. Je ne dis pas que tout est à jeter avec l’eau du bain. Je parle de tendance et de posture professionnelle à changer en profondeur. Je me trompe peut-être mais la culture numérique est peut-être plus développée dans les grandes villes nord-américaines qu’en France. Cela explique donc peut-être en partie le succès que rencontrent vos services numériques auprès des usagers.

      Pour vous paraphraser, j’ai moi aussi beaucoup d’interrogations et pas de réponses à tout. Mais je pense que collectivement, on peut y arriver si on prend tous la mesure de la situation.

      Thomas

  7. Bonjour Thomas,

    En fait je suis française et j’ai fait mon DUT et mon master en France (mais cela commence à dater) puis l’EBSI à Montréal. J’ai donc connu deux systèmes d’enseignement. Bien que le contenu et le style soient assez différents, la médiation c’était pas le point fort non plus de l’EBSI…Cela manque beaucoup encore ici aussi.

    Aussi, quand je parlais de contenus exclusifs, je voulais faire référence à que la bibliothèque possède et met gratuitement à disposition. C’était pas très clair mais je faisais un parallèle avec les commerces. Si je m’abonne à Netflix ou à un compte instagram pro (que ce soit commercial, institutionnel), je m’attend à de la médiation sur leur produit (sinon pourquoi j’irai?) et à un moyen pour me permettre d’y accéder. En faisant ce parallèle, je me disais que peut-être quelqu’un qui va sur le site ou la page FB d’une bibliothèque s’attend à quelque chose de similaire (montrez-moi ce que vous avez à m’offrir). Il me semble que les bibliothèques sont un peu entre les deux : moitié Télérama, valorisation de l’information et moitié Netflix, fournisseur de contenu.

    Notre expérience des ressources numériques n’est pas des plus satisfaisantes, il y a encore beaucoup de travail d’accessibilité de la majorité des ressources. En fait, ce sont surtout les livres numériques (malgré des problèmes de DRM…) et la presse qui fonctionnent bien, surtout en ce moment.
    Je ne suis pas sure que la culture numérique soit plus développée à Montréal qu’à Paris, par contre la culture des bibliothèques est plus développée en Amérique du Nord, particulièrement du côté anglophone. Faut dire que 98 % d’entre elles sont gratuites. Je pense que les bibliothèques font plus partie du quotidien des gens qu’en France.
    Ce qui est sûr aussi, c’est que le prêt numérique en bibliothèque a fait sa place depuis pas mal de temps au Québec (beaucoup plus tôt qu’en France), je pense qu’il est donc assez ancré et vu presque comme basique dans une offre de bibliothèque, même si encore plein de gens en ignorent l’existence. Je crois que cet élément participe au succès. Aussi, on a un territoire très étendu où tout le monde ne peut pas avoir accès au livre facilement : le prêt numérique vient donc aussi toucher des populations très éloignées des centres urbains.

    J’en profite pour déposer cet article : https://www.ledevoir.com/culture/576022/coronavirus-le-pret-numerique-explose?fbclid=IwAR0KquOGt7ENBpl6SHBlWwopuKniJMTsRAdA5aHeJ3ZRuKAsj2x5f67IPz8
    Pour information, Le Devoir pourrait être l’équivalent du journal Le Monde en France.

    Bonne journée!

  8. Rétroliens : Que peuvent faire les bibliothèques pour demeurer utiles en période de pandémie?

  9. Bonjour Thomas,

    Je ne commente que rarement sur des articles, mais en l’occurrence, cela me paraissait opportun.

    Je peux comprendre qu’en cette période exceptionnelle, alors que les bibliothèques font partie des lieux mis à mal par le confinement, vous vous sentiez perdu et vous interrogiez sur votre place dans la situation actuelle.
    Cependant, il ne me parait pas nécessaire de généraliser et tenter de placer toutes les médiathèques dans le même panier. Selon leur direction et leurs moyens, différentes médiathèques ont pris différentes décisions. Certaines qui considèrent que leur place est au contact direct du public ont simplement choisi de suspendre leur activité, d’autres ont cherché à s’adapter et mettre le numérique en avant.

    Quel que soit la décision prise, je suis persuadé que chacun a fait au mieux de ses moyens. Et même dans le cas des médiathèques qui ont choisi de stopper leur activité, cela n’empêche en aucun cas les employés de participer à titre individuel aux nombreuses actions qui ont été mises en place face à la crise.

    De ce qu’il ressort de votre article et de ce qui a été publié sur le site de votre médiathèque (une petite tentative de suggestion de contenu pour le confinement) j’en comprends que vous faites partie des médiathèques qui tentent de maintenir un service, et que vous vous posez de nombreuses questions, en désarroi quant à ce que vous pouvez faire pour vos usager.
    En ce cas, je ne peux que vous conseiller d’observer et prendre exemple sur ce qui a déjà été fait par vos collègues des autres médiathèques, que ce soit dans l’évolution de leur communication, renégociation de leurs offres numérique, prise en main des outils numériques pour maintenir un contact au public malgré le confinement. De nombreuses initiatives ont déjà été prises et je suis persuadé que vous saurez y trouver l’inspiration.

    En tant que chargé du pôle numérique, c’est probablement le meilleur moment pour vous de montrer votre capacité d’adaptation, de décision, et je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’en faire appel à l’aide collective de l’ensemble des médiathèques de France pour cela.

    Vous souhaitant bonne chance dans votre quête 🙂

    • Bonjour Arthur,

      Merci pour votre commentaire.
      Tout d’abord, je ne mène pas une quête et ne suis pas en plein désarroi mais merci de vous en soucier. Je suis d’ailleurs particulièrement bien occupé pendant ce confinement et nous avançons en interne sur plusieurs chantiers notamment une migration de logiciel. En tant que responsable du numérique, je fais partie de celles et ceux qui sortent plutôt leur épingle du jeu et pour qui le télétravail n’est pas subi. Il représente une opportunité pour avancer sérieusement et pour contribuer au développement d’une culture numérique en interne.
      Nous ne tentons pas de maintenir un service, nous le développons. Notre site n’a jamais réalisé autant de visites depuis le confinement. La « petite tentative de suggestion de contenus » semble être appréciée par nos usagers. En outre, nous participons également au service Eurêkoi qui rencontre un certain succès pendant le confinement et qui nous occupe plutôt bien.
      Ça vous a échappé mais la réflexion que j’expose dans mon article ne concernait pas mon activité en tant que bibliothécaire mais interroge l’ensemble de la profession. Vous évoquez la question des ressources numériques et de la renégociation auprès des fournisseurs. Vous pointez sans vous en rendre compte un problème que les bibliothèques traînent depuis qu’elles proposent ces usines à gaz de ressources numériques. Nous sommes contraints d’accepter des offres avec des modèles d’accès qui ne sont pas justifiables et de piètre qualité comparées aux offres commerciales (multi-support, transparence des DRM, facilité d’accès…).
      Je n’ai pas besoin de m’inspirer de ce que font les collègues de France et de Navarre. Chaque territoire a ses propres caractéristiques socio-démographiques, en matière d’infrastructures, de pratiques… Ce qui fonctionne quelque part peut échouer ailleurs. Mon inspiration ce sont les usagers de mon territoire, d’essayer de comprendre leurs besoins et leurs pratiques pour pouvoir y apporter une réponse avec un service adapté. Et jusqu’à preuve du contraire pendant le confinement, cela ne passe par les collections physiques.

  10. Rétroliens : revue de presse covid19 – com&doc

  11. Bonsoir,
    Merci pour cette réflexion,
    en cliquant sur un lien ( http://mediation-numerique-des-savoirs.org/), je suis tombée sur cette citation « La bibliothèque aurait ainsi pour fonction d’accroître les connaissances d’une population en fonction de ses besoins, (…) »
    Je pense qu’on peut réfléchir à l’idée de besoin, aujourd’hui ce n’est pas seulement la permaculture, ni apprendre à pétrir son pain, mais par exemple, appréhender le monde dans la richesse du rapport à l’autre, se rappeler ce qui nous relie malgré la distance, ce qui fait le commun au delà des inégalités et des disparités.
    Mes bibliothèques me manquent et lorsque je parle à mes proches c’est le même constat, elles nous offrent des supports, des conversations, des rencontres, une ouverture au monde, alors indispensables, oui, elles le sont!

  12. Bonjour,

    Je tombe un peu tardivement sur votre article. Tout d’abord, quand vous dites que « Tout le monde a compris que tout se jouait désormais dans l’accompagnement et le recommandation… sauf peut-être les bibliothécaires » je suis assez d’accord que la médiation sous de multiples formes est ce qui fera notre différence, si nous le voulons bien, dans les années à venir. Vous mettez en exemple le site de Netflix, sans doute ironiquement. De notre côté à Villeurbanne nous avons un site de films en ligne qui n’est pas un modèle clés en main de type la Médiathèque numérique. Il est entièrement construit par nous, le choix se faisant sur le catalogue d’Adavision, filiale de l’Adav. Certes les budgets trop limités nous empêchent de le développer pour avoir davantage que 500 films, ce qui est un handicap dans le monde du web… Mais certains films proposés ne se trouvent pas ailleurs et chaque film est éditorialisé, des sélections sont faites, des recommandations etc. Pendant le confinement les visionnements ont explosé. Il est donc possible de construire un modèle différent, exactement comme nous le faisions en construisant des collections physiques.
    Petite remarque sur Canal+, qui a dû faire machine arrière car l’offre était illégale ! On ne peut remettre en cause la chronologie des médias aussi facilement…
    Enfin, pour parler de musique, nous avons dans nos collections des disques introuvables sur le Net. L’idée serait de les numériser, mais évidemment cela pose des questions de droit. Valoriser nos collections autrement, et surtout défendre des formes de création qui ne sont pas dominantes sur le web. Car effectivement au niveau technique, quantitatif etc., nous ne tenons pas la comparaison, mais pour trouver des contenus un peu différents sur Internet il faut savoir chercher. Les dominants laissent la majorité de la création dans l’ombre (comme Netflix qui rêve d’écraser tout autre site de streaming). Et si les médiathèques ne défendent pas cette création-là au travers de leurs collections, et au contraire ne proposent que ce qu’on trouve partout, alors là elles seront d’autant plus invisibles et noyées, et même écrasées…

  13. Rétroliens : 1er mai - Musées numériques et publics confinés : quels enjeux de médiation ? - Camille Jutant - ocim

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