Madame la Ministre, je vous fais une lettre…

Vous avez rappelé aujourd’hui votre refus de lever le pass sanitaire dans les bibliothèques territoriales considérant que le sésame « était une question de protection de la santé », pour lequel il fallait « se battre ».​

Vous et votre gouvernement nous avez abreuvés de décisions dépourvues de sens ou de logique. Un an et demi après le début de cette crise sanitaire, vous persévérez dans cette voie sans issue. Si le pass sanitaire est effectivement une question de santé pour lequel il faut se battre, comment justifiez-vous qu’il ne soit pas nécessaire dans les établissements nationaux comme la BnF ou la BPI ? La renommée et la dimension prestigieuse que vous accordez à ces lieux en font-elles des endroits sécurisés dans lesquels le virus ne circule pas ? Ou bien est-ce un raccourci et une manifestation de votre conscience de classe ? Peut-être, qu’engoncée dans vos préjugés bourgeois, les chercheurs sont des intellectuels éduqués et civilisés et savent se soustraire aux risques du covid-19 ? A l’inverse, les classes populaires qui fréquentent les bibliothèques territoriales sont des agents pathogènes qu’il faut surveiller et contrôler quand il ne s’agit pas de les punir ? Les classes laborieuses sont-elles des classes dangereuses ?

A ces critiques, vous répondez que le pass sanitaire sera levé quand les conditions sanitaires le permettront. Par cette réponse, vous nous prenez également pour des jambons. Comment expliquer de façon intelligente et logique que les centres commerciaux ne sont plus soumis au pass sanitaire ? Nous appliquons les gestes barrières, nous veillons au respect du port du masque, nous mettons à disposition du gel hydroalcoolique, nous mettons en place des sens de circulation, nous érigeons des barrières de plexiglas, nous disposons parfois d’automates de prêts/retours qui limitent les interactions et garantissent une distanciation physique entre les personnes. Mais vous avez raison, Madame la Ministre, en dressant cet inventaire à la Prévert, je m’aperçois qu’il manque quelque chose aux bibliothèques. Nous ne vendons rien ! Nous ne générons pas de profits. Nous n’avons pas d’actionnaires à satisfaire. La culture gratuite, la circulation des connaissances, la diffusion de l’information, l’ouverture sur les autres et les différences ne sont pas rentables. Ces valeurs ne correspondent pas à votre projet politique et social. En revanche, quand il s’agit d’aller consommer dans les supermarchés, il n’est plus question de se battre contre le Covid-19 !

Vos décisions insensées ont et auront des conséquences sur nos établissements. Nous devons refuser l’entrée à des personnes qui souhaitent emprunter un document, lire la presse, étudier, accéder à un ordinateur pour réaliser une démarche administrative parce que votre gouvernement décide de dématérialiser les services publics et crée de la fracture numérique. Chaque personne refusée nécessitera une énergie démentielle de la part des professionnels des bibliothèques pour aller la reconquérir.  Nous le ferons parce que nous croyons en nos missions et à l’importance de nos établissements. Nous le ferons parce que les bibliothèques sont des lieux ouverts à tous sans discrimination. Nous le ferons parce que nous en sommes convaincus.

Madame la Ministre, je vous fais une lettre, que vous ne lirez pas.

2 commentaires à propos de “Madame la Ministre, je vous fais une lettre…”

  1. Remarque marginale sur votre interpellation : vous auriez pu renvoyer directement à l’ouvrage de Louis Chevalier plutôt qu’à sa recension.

  2. Bonjour,

    Nous devrions reparler des bibliothécaires en grève contre le contrôle des pass à Brest lors de la prochaine émission de lundi.
    Je pense y faire la lecture de cette lettre, accepteriez vous d’intervenir à l’antenne ?

    Bien amicalement
    Asgard

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