Les Fab Lab en bibliothèques

Impirmante 3D
Merci @julanimtic pour son imprimante 3D

Un Fab Lab est l’abréviation de Fabrication Laboratory. Dans son livre Fab Lab Fabien Eychenne en donne la définition suivante:

« Une plateforme de prototypage rapide d’objets physiques, intelligents ou non. Ils s’adressent aux entrepreneurs qui veulent passer plus rapidement de la phase de concept u prototype, aux designers, aux artistes, aux étudiants désireux d’expérimenter et d’enrichir leurs connaissances pratiques en électronique, en CFAO, en design, aux bricoleurs et hackers du XXIème siècle »

Outre leur matériel innovant, les Fab Lab se caractérisent également par leur ouverture. Ils sont accessibles à tous sans contraintes ni discrimination. Ce sont des lieux qui s’inscrivent dans la dynamique des tiers-lieux. Il s’agit d’espaces de partage, d’échanges et de coopération où les rapports entre individus sont horizontaux et fonctionnent sur le modèle du pair à pair. Cette ouverture et cette accessibilité massive favorisent également le transfert de compétences d’un individu à l autre. Cette mutualisation des savoirs et des compétences est par ailleurs un important facteur de développement pour l innovation individuelle et collective.

Les Fab Lab et leurs outils incarnent la nouvelle génération d’innovations technologiques et succèdent au web et ses outils de création, d’échanges et de partages de fichiers électroniques. Grâce au web 2.0, les internautes sont devenus des auteurs et des créateurs. Avec les Fab Lab, les fablabeurs ( utilisateurs des fab lab) vont aussi devenir des créateurs et des producteurs d’objets physiques. Au-delà de ça, il s’agit aussi d’une communauté d’intérêt qui partage les mêmes valeurs. Les participants adhèrent à la même philosophie et adoptent des modes communs de fonctionnement dans ces espaces (qui passe notamment par l’acceptation d’une charte). Cela peut s’apparenter à une forme de biens communs dans la mesure où une communauté s’organise pour assurer de façon collective la bonne gestion d’une ressource. (Reste à définir la question de la gouvernance. Il faut que ce soit cette même communauté qui définisse ses propres règles de gouvernance.) À ce titre, les Fab Lab correspondent tout à fait au point 10 du manifeste de SavoirsCom1 :

 » Favoriser la création et le développement des biens communs informationnels sur les territoires.
Les biens communs informationnels sont intimement liés à des communautés dont les politiques publiques doivent faciliter les conditions d’existence. Les points d’accès publics à Internet doivent ainsi garantir une très large variété d’usages collectifs, sans discrimination technique ou juridique qui irait au-delà du cadre légal en vigueur. Plus que d’accès, c’est l’enjeu de l’accompagnement à l’acquisition d’une culture informationnelle qui est important. Le collectif soutient la création et le développement de (tiers) lieux (bibliothèques, centres culturels, fab lab, etc.) comme espaces communs largement ouverts et modulables dans lesquels peuvent se déployer des usages collectifs. Il s’agit de croiser les approches des acteurs comme des usagers, et de décloisonner les services publics au bénéfice des politiques publiques de l’éducation, de la culture ou du développement économique. »

La mission du Fab Lab est de permettre à quiconque l’accès à des outils de fabrication numérique. Les fablabeurs partagent des connaissances, par exemple : je sais faire ça avec tel logiciel de Conception assistée par ordinateur alors je te le montre et tu apprends. Mais il existe aussi un autre aspect du partage, à savoir le lieu et de l’accès aux outils. Les fablabeurs acceptent d’avoir un usage collectif des outils et des locaux pour permettre un usage et une accessibilité les plus larges possible.

Mettre à disposition des utilisateurs des imprimantes 3D ne suffit pas, il faut également partager des processus de fabrication, des savoirs et des savoir-faire. La question de la propriété intellectuelle est donc particulièrement importante. On ne peut pas utiliser des espaces communs, des outils collectifs et s’opposer à la réutilisation, à la diffusion et au partage des modèles ou des objets. Le Fab Lab doit adopter une licence équivalente aux creative commons mais appliquée aux objets issus d’une fabrication numérique personnelle. Aucun fablabeur ne devrait pouvoir prétendre interdire l’utilisation d’un plan ou d’un modèle.

Que peuvent proposer les bibliothèques ?

Les établissements de lecture publique peuvent mettre à disposition des postes informatiques avec des logiciels de CAO et de FAO, proposer des formations à l’utilisation de ces logiciels. (Chez les libristes : Inkscape, Blender, Gimp, Wings3d pour les libres. Du côté des propriétaires, Google Sketchup,Rhino 3D, Adobe Corel Draw…), former à l’utilisation des machines (imprimantes 3D, découpeuse laser, fraiseuse…).
Le bibliothécaire se dote d’une nouvelle casquette en devenant fab manager. Évidemment, cela implique de développer de nouvelles compétences en se formant à ces nouveaux outils. Des Fab Lab proposent déjà des formations universitaires pour apprendre à gérer et animer ces nouveaux lieux.
Pour l’animation du Fab Lab, on peut imaginer que le bibliothécaire soit accompagné de bénévoles aux compétences diverses. En effet, le Fab lab provoque une réorganisation des rapports avec les citoyens. Il invite à penser les rapports de façon horizontale.

Ces nouveaux services s’inscrivent dans une dimension éducative et pédagogique. Il s’agit de former les nouvelles générations à la manipulation de ces machines. On peut concevoir des ateliers FabLab Kids où on montre à des enfants un processus de fabrication d’objet avec toutes les étapes que cela comprend. Organisons des ateliers dans nos espaces jeunesses !

Pourquoi en bibliothèques ?

« Les bibliothèques publiques sont là pour fournir un accès libre et ouvert à l’information, aux technologies et aux idées ». (Sabine Blanc, journaliste ex-Owni).
L’accès à l’information et aux idées, on le fait déjà. Personne ne dira le contraire. En ce qui concerne l’accès aux technologies, c’est inégal et dépend des structures mais on le fait également. On met à disposition des ordinateurs, des supports tactiles et autres jeux vidéos qui ont tous le point commun d’être une forme plus ou moins avancée des dernières technologies. Pourquoi n’oserions-nous pas rendre accessibles les plus récentes technologies ? (A bien y regarder, ces technologies ne sont pas si récentes, le secteur industriel les emploie depuis longtemps. La nouveauté tient dans le processus de démocratisation croissant de ces outils dans notre société).

Il existe différents lieux qui accueillent les Fab Lab. Il y a des lieux dédiés pour ces nouvelles structures (exemple le fab Lab deToulouse, Artilect).
Il peut y en avoir dans les musées (exemple, le Fab Lab de Chicago). Pourquoi les bibliothèques ne pourraient-elles pas disposer d’un espace Fab Lab dans leurs murs?
Les bibliothèques spécialisées dans les sciences et techniques, la bibliothèque de Polytechnique, des écoles d’ingénieurs sont tout à fait légitimes à proposer ces nouveaux services. Cela permettrait à des étudiants mais aussi à la communauté de chercheurs de mettre en pratique des projets d’etude, de faire du prototypage…
Les bibliothèques peuvent s’équiper en machines à commande numérique pour permettre à des étudiants en design, architecture, beaux-arts d’utiliser ces outils qui ne seraient pas présents dans leur établissement. De la même manière que nous mettons à leur disposition des ouvrages dédiés à ces domaines.

Les Fab Lab sont des espaces citoyens de coopération pour travailler, se former et échanger. Ah bah, ça ne vous rappelle rien ?!
Les Fab Lab correspondent aux missions des bibliothèques tant en ce qui concerne la formation (tout au long de la vie) que l’accès aux innovations technologiques. En offrant un accès à des outils de fabrication numérique, les bibliothèques permettent de réduire la nouvelle fracture numérique et technologique qui se profile. Les bibliothèques ont et continuent à proposer aux habitants des formations visant à les rendre autonomes en ce qui concerne la recherche d’informations sur Internet, l’utilisation de l’ordinateur … Allons jusqu’au bout du processus avec les fab lab en bibliothèques : offrons un espace d’apprentissage et de création !

À travers leurs collections, les bibliothèques rendent possible la diffusion des savoirs et l’acquisition de nouvelles compétences. Une personne qui souhaite apprendre à poser du carrelage ou avoir la main un peu plus verte pourra puiser des connaissances dans les manuels de bricolage mis à disposition par sa bibliothèque. Aujourd’hui, grâce à l’évolution technologique et l’accès simplifié aux outils de fabrication numérique, les bibliothécaires disposent d’un nouveau rôle. Ils rendent possible l’acquisition de savoir-faire. Ils peuvent former à l’utilisation de ces nouvelles machines. Cette nouvelle mission est le fruit de l’évolution générale (sociale, technologique, culturelle) de notre société. Ce n’est pas une vue de l’esprit d’un bidouille-thécaire. Cela correspond à une réalité qu’on ne peut nier.

Le caractère social et citoyen des bibliothèques est une dynamique qu’on retrouve aussi dans le modèle des Fab Lab. La bibliothèque s’inscrit dans un territoire et dessert une population à laquelle il faut s’adresser en répondant à des besoins (documentaire, informationnel, technologique, ludique…). Ces besoins sont variés et tendent à se diversifier de plus en plus sous la pression de l’évolution de nos sociétés. Ils s’articulent de plus en plus autour de questions écologiques, du développement durable, du changement des modes de consommation (contestation croissante de l’obsolescence programmée). Face à cela, des courants émergent comme celui du Do It Yourself. Cependant, ce n’est pas toujours évident de fabriquer soi-même des objets si on n’a pas les outils adéquats. Or les bibliothèques peuvent rendre concret et faire émerger le DIY en offrant un accès à ces machines.

Toutes les bibliothèques ne vont pas devenir des fab lab mais les établissements qui en ont la possibilité ont toute légitimité à s’orienter vers cette voie. Le train est en train de partir de gare, nous pouvons encore monter dedans. Ne soyons pas à la remorque des évolutions technologiques et des pratiques ! Tentons l’expérience et nous pourrons alors dire si nous avions eu tort ou raison. Celui qui se bat peut perdre, celui qui ne se bat pas à déjà perdu ! (B. Brecht)

Soyons audacieux et tentons l’aventure des fab bib !

16 commentaires à propos de “Les Fab Lab en bibliothèques”

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  14. un tout petit détail, mais le DIY n’est pas un concept émergent. ça fait bien longtemps qu’on le pratique dans certaines communautés qui refusent une marchandisation de toute chose. Ce qui est émergent en revanche, c’est la manière dont le concept est récupéré, y compris dans des domaines marchands, un peu sur le mode des livres de développement personnel, bref, très néolibéral.
    Attention, je ne dis pas que les fablabs tendent vers cette forme d’utilisation du DIY, mais je dis juste qu’il faut replacer ce concept à sa place.

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