La bibliothèque, un espace d’apprentissage collaboratif

J’ai eu le plaisir de pouvoir contribuer à l’ouvrage Communs du savoirs et bibliothèques dirigé par Lionel Dujol que je remercie sincèrement. Il m’a demandé de produire un article sur la question des espaces d’apprentissages collaboratifs et les bibliothèques. L’objectif est d’essayer de montrer  dans quelle mesure ces deux concepts sont emboîtables et en quoi leur articulation constitue un enjeu pour les communs de la connaissance. Comme d’autres contributeurs de cet ouvrage,  (ici, ici ou ) je publie ici ma contribution comme le contrat d’édition le prévoit.

La bibliothèque un espace d’apprentissage collaboratif.

La bibliothèque joue un rôle d’intermédiaire entre les collections et les usagers. A travers cette offre elle permet d’apporter des réponses à des besoins informationnels de son public. Mais la circulation et la production de connaissance vont désormais au-delà grâce à la mise en relation des usagers qui vont se rencontrer et échanger. L’usager ne s’appréhende plus seulement comme un individu manifestant un besoin documentaire mais aussi comme une personne détenteur d’un savoir dont il faut faciliter la circulation. Ainsi, les usagers deviennent des acteurs d’un espace d’apprentissage collaboratif. Il devient donc dans la mission de la bibliothèque de répondre à cette évolution en proposant des espaces d’apprentissage par le faire, co-gérés et co-animés par les communautés qui l’animent. Qu’est-ce qui caractérise ces espaces ? Quels formes prennent-ils ? Comment les mettre en œuvre ?

Nous centrerons notre propos sur une catégorie d’usages spécifiques à savoir tout ce qui concerne les lieux de fabrication numérique et du faire « soi-même ». La production de biens informationnels et de projets répliquables s’articulent particulièrement bien avec la notion de bien commun.

Qu’est-ce qu’un espace d’apprentissage collaboratif ?

Le modèle des tiers-lieux

Le concept d’espace d’apprentissage collaboratif (EAC) prend son sens avec l’émergence de lieux alternatifs dédiés au partage de savoirs et de savoirs-faire. Toute une typologie permet d’identifier ces lieux gérés collectivement par les personnes qui les animent et les occupent. L’actualité médiatique retient essentiellement les fab labs ou, en français, laboratoire de fabrication numérique. Si en effet, les fab labs bénéficient d’une certaine visibilité , ils ne sont pas les seuls dans le domaine des lieux productions et de circulation des savoirs. On note également l’existence des makerspaces, des hackerspaces, médialabs etc. La carte des labs réalisée par le site Makery1 témoigne du développement progressif de ces nouveaux espaces. La dénomination des tiers-lieux2 s’est diversifiée au cours de ces dernières années. Bien que les labs présentent des différences, on retrouve toutefois un dénominateur commun pour chacun d’entre eux. En effet, tous ces espaces visent à mettre en relation des individus qui partagent un intérêt commun autour du « faire », de la bidouille et de la réappropriation citoyenne des outils numériques. Au-delà de cet intérêt pour le numérique, il y a chez ces individus le désir de partager, d’échanger et de transmettre des savoirs et des savoirs-faire. La dimension collaborative constitue donc l’essence même des tiers lieux. Le partage représente leur ADN. La Charte des fab labs stipule clairement que : « La formation dans le fab lab s’appuie sur des projets et l’apprentissage par les pairs ; vous devez prendre part à la capitalisation des connaissances et à l’instruction des autres utilisateurs3. »

Personne n’est au-dessus des autres, chacun apprend de l’autre. Comme l’explique Marie-Hélène Griver :« Ce sont de véritables espaces d’échanges de ressources et de savoirs, construits sur les bases du partage et de la transmission de connaissances par des pairs prenant souvent la forme d’ateliers, de présentations et de conférences, ce qui se matérialise généralement par des workshops, des présentations et des cours.».

Certes il y a des professionnels qui y travaillent et qui sont chargés d’animer ces espaces. Mais leur relation que les fab managers entretiennent avec les individus qui fréquentent ces lieux ne s’inscrit pas dans la traditionnelle posture enseignant-apprenant. Si le fab manager transmet des savoirs par l’animation d’ateliers ou par des sessions de formation, ce dernier incarne plutôt un rôle de facilitateur qui vise à mettre en relation des individus, des besoins et des outils. Il est en capacité d’identifier les compétences des personnes qui fréquentent le lieu pour faciliter la circulation de ces compétences et leur acquisition par d’autres individus. De fait, l’organisation et le fonctionnement de ces espaces introduisent une rupture dans les rapports qu’entretiennent professionnels et utilisateurs. Ces espaces reposent sur une horizontalité des rapports entre les individus. Ces lieux sont influencés par un modèle issu du Web et plus particulièrement du peer-to-peer. Chacun est un maillon d’une chaîne qui est indispensable au fonctionnement global du lieu et qui participe à la circulation des savoirs. On essaie de définir des règles communes et une gouvernance partagée. Et c’est en cela que ces tiers-lieux portent en eux les germes de biens communs. C’est la communauté qui les animent qui gèrent cette ressource.

Enfin, tous ces lieux se caractérisent également par une forte socialisation, une camaraderie, une convivialité et une entraide. La conversation est la clé de voûte des rapports que construisent les utilisateurs des tiers-lieux. Il faut donc pouvoir faciliter la prise de parole et la faire circuler aisément.

Les publics des tiers-lieux

Quels sont les publics qui fréquentent les tiers-lieux ? Existe-t-il des études sociologiques sur ces publics ? Cela serait intéressant d’établir une typologie des utilisateurs des tiers-lieux et observer dans quelle mesure ces derniers fréquentent d’autres lieux comme les bibliothèques. Toutefois, les personnes qui viennent occuper les tiers-lieux sont des individus qui font partie d’une communauté d’intérêt qui ressentent le besoin de partager leur passion commune. Ils ne se satisfont plus de pratiquer leur hobby chez eux. Ils manifestent le désir de vivre leur passion « away from the keyboard.4 » . Pour prendre la mesure du phénomène, il suffit de constater le nombre d’événements comme les Maker Faire5 où se rencontrent ces passionnés pour échanger autour de la bidouille et du faire soi-même.

Dans son ouvrage Tiers-lieux : et plus si affinités6, Antoine Burret définit une typologie des individus qui fréquentent ces lieux. Il y a tout d’abord les convaincus. Cela concerne les individus qui ont déjà des pratiques et des connaissances dans un domaine et qui vont investir rapidement ces espaces d’apprentissage collaboratif. Ils constitueront même un maillon essentiel de ce lieu. Ils seront également en capacité d’apprendre aux autres en animant par exemple des ateliers. On distingue ensuite les « utilitaristes ». Ce sont des individus qui n’adhèrent pas spontanément à la philosophie du partage qui est au cœur des espaces d’apprentissage collaboratif mais qui manifestent le besoin d’y venir pour pouvoir prototyper un objet ou bien accéder à des machines-outils disponibles dans ces espaces. Ils pourront dans un second temps devenir des utilisateurs réguliers car ils auront trouvé une place et un rôle au sein de cette communauté. Enfin, on note une troisième catégorie constituée de curieux. Ils ne sont pas particulièrement acquis aux valeurs de partage et d’échange de compétences. Ils ne disposent pas non plus de compétences spécifiques qui pourraient être utiles à la communauté qui fréquente l’espace d’apprentissage collaboratif. Toutefois, ils manifestent une curiosité à l’égard de ce genre de lieux et parviennent à trouver leur place progressivement grâce aux liens qu’ils tissent avec les autres individus présents. Le rôle du fab manager est d’ailleurs de permettre à cette catégorie d’usagers de se sentir à l’aise et d’avoir envie de revenir.

En outre, la typologie des publics peut également s’appréhender à travers le concept HOMAGO7 développé par Mizuko Ito. Il est particulièrement utile pour tenter ce comprendre le comportement d’un public adolescent notamment face aux nouveaux médias et de pouvoir ensuite construire un espace qui soit propice aux pratiques collaboratives. « Hanging out » correspond au besoin de socialisation des adolescents qui cherchent à se libérer des règles définies par des adultes. Les réseaux sociaux incarnent assez bien ce besoin ressenti. Cependant, il leur faut également un lieu physique pour pouvoir échanger avec leurs pairs sans avoir de besoin ni d’objectif particulier. La seconde étape est « Messing around ». Elle traduit l’envie de certains adolescents de s’impliquer et de s’engager notamment à travers leur participation à des ateliers. (robotique, programmation,, électronique…). Les adolescents qui sont en situation de « Messing around » ressentent le besoin de manipuler, de tester, de bidouiller les outils qu’ils manipulent au quotidien (smartphone, profil Facebook, Snapchat…). Cette forme de participation se caractérise par l’essai et le droit à l’erreur qui constituent des étapes essentielles dans l’apprentissage et l’acquisition de compétences. Grâce à ce processus, l’adolescent pourra acquérir un statut d’expert et devenir un rouage dans la circulation des savoirs au sein d’un espace d’apprentissage collaboratif. L’EAC devient donc un lieu-ressource pour lui car il y trouve du matériel, des ressources accessibles facilement et des pairs. Ainsi, l’adolescent disposera des conditions matérielles adéquates pour atteindre le stade « Geeking out ». Il est définitivement un expert reconnu par ses pairs (et le professionnel) qui partage sa passion.

Nous avons vu que les labs se caractérisent par une ouverture, par un fonctionnement horizontale visant à favoriser le partage et la circulation des connaissances entre les individus qui fréquentent ces lieux. Ce modèle est-il applicable au monde des bibliothèques ? Dans quelle mesure les établissements de lecture publique peuvent-ils intégrer certains principes organisationnels des labs dans leur fonctionnement ?

Favoriser les espaces d’apprentissage collaboratifs en bibliothèque

Le modèle de la bibliothèque : verticalité et bibliothécaire prescripteur

En tant qu’établissement public inscrit sur un territoire, la bibliothèque doit répondre à un certain nombre d’impératifs imposés par sa tutelle. La nature institutionnelle de la bibliothèque peut paraître en opposition avec des tiers-lieux cogérés par les personnes qui les fréquentent. L’organisation verticale des rapports entre la tutelle et les agents puis entre les agents et les usagers peut également représenter un handicap. Il semble difficile dans ces conditions de céder la place et une responsabilité aux usagers pour qu’ils deviennent co-animateur de la bibliothèque. Des expériences de co-constructions8 de services avec les usagers existent et tendent à démontrer la capacité des bibliothèques à s’adapter aux évolutions de la société et une meilleure prise en compte des besoins des usagers. Mais pour devenir un espace d’apprentissage collaboratif, la bibliothèque doit être en capacité de prendre du recul et de considérer l’usager comme un pair. En effet, les bibliothécaires doivent abandonner la position de prescripteur pour être des facilitateurs d’accès aux savoirs. De même, ils doivent accepter que l’usager soit détenteur d’un savoir qu’il faut valoriser. Pour apprendre aux autres et des autres, il est nécessaire d’accepter que le savoir se partage et que nous pouvons acquérir des connaissances grâce aux usagers. Cette question de posture intellectuelle est fondamentale dans la réussite d’un projet d’espace d’apprentissage collaboratif. Les collections ne sont plus la seule source d’acquisition et de maîtrise de savoirs-faire.

Au-delà de la question de la posture du professionnel des bibliothèques, il est important de mettre en place quelques règles visant à favoriser la circulation des idées et l’apprentissage en commun.

Un lieu ouvert

Tout d’abord la bibliothèque doit être un lieu ouvert et accessible à tous. La réussite des tiers-lieux repose sur leur capacité à inclure toute personne qui souhaite venir découvrir ce lieu. Cela peut paraître évident mais aucune barrière ne doit empêcher l’accès et l’utilisation des ressources disponibles. Rappelons que les labs se sont construits sur un modèle hérité du Web dans lequel chaque internaute à sa place. Le peer-to-peer prend sens quand une masse critique d’internautes rejoint un réseau. Cela démultiplie la possibilité de diffuser l’information. De même, aucun critère basé sur l’âge, le sexe, l’origine, la catégorie sociale ne peut être accepté. L’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la femme9 précise que « toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent. » L’accessibilité pour tous est d’ailleurs un des facteurs essentiels pour l’appropriation du lieu par les usagers. « Ce doit être des lieux égalitaires à l’abri des hiérarchies et des statuts sociaux »10.

Par ailleurs, si le lieu doit être ouvert à tous il doit également l’être en s d’horaire. Il ne faut pas que l’établissement soit accessible uniquement quand les individus travaillent. L’ouverture et l’accessibilité impliquent également de pouvoir accueillir et/ou héberger des associations comme par exemple les repair café11 qui favoriseront l’appropriation et le partage. Recourir au partenariat constitue à ce titre une stratégie efficace pour la bibliothèque en particulier si elle ne dispose pas en interne des ressources permettant la mise en place de ce genre de projet. Enfin, proposer un accès et une gestion partagée des espaces de la bibliothèque renforcent la dimension de commun que porte la bibliothèque dans la mesure où la bibliothèque en tant que ressource est gérée par une communauté.

  • Espaces  L’accessibilité du lieu est intrinsèquement lié à la possibilité de disposer d’un espace vide modulable et adaptable en fonction des besoins des  utilisateurs ou des ateliers qui y sont prévus. La question de la place est un élément central dans la mesure où un EAC peut recevoir différents types d’activité. (robotique, programmation, fabrication numérique, pratique artistique etc.) De ce fait, il faut pouvoir adapter l’espace en fonction des besoins avec du mobilier sur roulette, léger et transportable et du matériel informatique portable (tablette, laptop, wifi…). Il existe un concept orienté vers la collaboration, la créativité et l’échange de connaissances adapté au monde des bibliothèques. Il s’agit de l’espace 3C conçu par la société Espace Temps.12 Grâce à cet espace, la bibliothèque offre la possibilité de « créer des contextes propices à l’échange de connaissances entre les usagers » et permet à la bibliothèque de remplir sa mission qui consiste à offrir un accès au savoir à la communauté.

    Ces espaces s’adressent à des communautés d’intérêts qui sont sur le territoire et qui pourraient manifester le désir d’avoir un lieu pour se retrouver et exercer leur passion. La capacité de s’approprier des espaces est indispensable pour les membres des différentes communautés qui vont pouvoir ainsi participer à la vie et à la gestion du lieu. Ces communautés reposent sur des bases saines et de réciprocité. Elles peuvent avoir la charge d’animer des ateliers mais sans qu’il y ait de formateur désigné. Les participants apprennent l’un de l’autre. Ce principe de contribution mutuelle est un facteur important dans le maintien d’un réseau peer-to-peer physique dans lequel chacun joue un rôle dans la circulation des savoirs.

  • Diversité

Les activités numériques sont propices au développement d’espaces d’apprentissage collaboratif. Des ateliers au barcamp en passant par des hackathons, ces initiatives favorisent la rencontre et l’échange de compétences sur le territoire. Précisons tout de même que les EAC ne concernent pas uniquement la fabrication numérique ou d’une manière générale ce qui relève de la littératie numérique13. A ce titre, les ruches d’art14 constituent un bel exemple d’espace d’apprentissage collaboratif visant à favoriser les pratiques artistiques et dont les bibliothèques peuvent s’inspirer. La problématique de l’apprentissage concerne tout un ensemble de domaines divers et variés qui méritent tous d’exister dans un espace public. Les outils numériques peuvent être un support mais ne constituent pas nécessairement l’objectif principal. A titre d’exemples, voici quelques idées d’ateliers qui peuvent être organisés pour faire de la bibliothèque un espace d’apprentissage collaboratif.

Les bibliothèques organisent déjà depuis longtemps des ateliers d’écriture. Ces activités sont particulièrement propices à la circulation des idées et à la production de communs de la connaissance. Ecrire sur le territoire, solliciter les connaissances des usagers pour valoriser un quartier de la ville et les partager en contribuant à Wikipédia, représente une excellente opportunité pour favoriser les échanges de savoirs. Dans ce type d’atelier, il y a d’un côté des utilisateurs qui ont une maîtrise de l’encyclopédie collaborative et de ses règles de fonctionnement, et de l’autre, des individus qui constituent la mémoire du territoire et qui apportent leurs connaissances. Les uns apprendront des autres. Dans ce cas, le bibliothécaire n’est pas nécessairement un wikimédien acharné ni un historien de sa collectivité mais il doit être en capacité de mettre en relation les deux catégories d’usagers pour que l’échange et le partage de connaissances puissent s’opérer.

La thématique des logiciels libres et de la vie privée sont particulièrement propices pour appréhender la question des biens communs. Ce sont des occasions efficaces pour mettre en relation des individus qui peuvent produire en commun de la connaissance. Des acteurs issus de la sphère du logiciel libre peuvent venir expliquer à des profanes pour les initier et les sensibiliser à ces problématiques. Une fois de plus, le bibliothécaire n’a pas besoin d’être un geek chevronné mais doit être capable de faire de la bibliothèque un lieu de rencontre et de partage autour de l’informatique, des technologies et des ressources libres. C’est le cas notamment des samedis du libre organisé par la bibliothèque de la Cité des Sciences depuis 2009 et repris par le Carrefour Numérique.15 Chaque premier samedi du mois, la bibliothèque devient un espace dans lequel des bénévoles d’associations de promotion du logiciel libre accompagnent des usagers pour installer notamment des systèmes d’exploitation qui reposent sur le noyau Linux. Ainsi, la bibliothèque s’approche du modèle du hackerspace qui se définit notamment par une certaine auto-gestion. En 2016, la médiathèque de Choisy-le-Roi a hébergé le festival alternatif Pas Sage en Seine16. Cette rencontre présentée souvent de façon caricaturale comme un festival pour geeks a été l’occasion de produire des savoirs collectivement et de les faire circuler de façon horizontale. C’est également la preuve par l’exemple que la bibliothèque peut se transformer en espace d’apprentissage collaboratif.

  • Documenter

La pratique de la documentation17 des activités réalisées dans les tiers-lieux est fondamentale. Cette pratique qu’on retrouve notamment dans la Charte des Fab Labs est un instrument efficace dans la circulation des connaissances. Celui qui réalise un projet dans l’enceinte du lab est chargé de produire un document qui explique le processus qui l’a conduit à le réaliser. Ainsi d’autres individus pourraient s’en servir pour réaliser le même projet voire l’améliorer. L’adage qui prétend que les idées sont libres de parcours prend ici tout son sens. En tant que professionnel de l’information, le bibliothécaire peut accompagner la production de ce genre de documents. De même, la bibliothèque peut mettre à disposition des utilisateurs qui produisent en son sein un espace dédié. Cela se traduit généralement par la mise en place d’un wiki dans lequel on retrouve les tutoriels produits par la communauté pour servir la communauté. Une fois de plus l’exemple du Carrefour Numérique est éclairant en matière de documentation où une page recense18 les projets réalisés par les utilisateurs et les fab managers. La pratique de documentation n’est pas naturelle et nécessite un accompagnement et un travail de pédagogie important auprès des utilisateurs. Il est indispensable d’expliciter la démarche clairement afin de montrer les enjeux pour la communauté19. Enfin, documenter c’est la garantie de pouvoir conserver une trace des actions menées au sein de cet espace d’apprentissage collaboratif et de valoriser ainsi l’action du service.

  • Licence

Si les idées sont libres de parcours, leur fixation sur un support ne doit pas restreindre leur circulation. En effet, l’objectif est de favoriser la circulation des savoirs produits collectivement au sein de l’établissement y compris en dehors du territoire physique dans lequel la bibliothèque s’inscrit. Pour y parvenir, il convient de recourir à des licences conçues pour cela. L’adoption de licences libres comme les Creative Commons20 est impérative afin de garantir la dissémination des savoirs. Les ressources produites dans la bibliothèque par les utilisateurs et/ou les bibliothécaires doivent être librement réutilisables et adaptables par n’importe qui. Ce principe s’inspire des quatre libertés du logiciels libres qui permettent d’éviter toute forme d’enclosure des ressources. A travers ces principes, les espaces d’apprentissage collaboratif s’inscrivent dans la dynamique des biens communs de la connaissance et participent à leur promotion.

Au regard de leurs missions, les bibliothèques participent à la circulation des connaissances notamment à travers la mise à disposition des collections. Mais elles peuvent dépasser cette logique du simple accès en étant au cœur du processus d’apprentissage en favorisant les rencontres et les échanges entre les individus. En s’inspirant des méthodes de fonctionnement et de l’organisation des tiers-lieux, les bibliothèques peuvent faire le pari de devenir des espaces d’apprentissage collaboratif. En mettant en place des espaces modulables, en confiant l’animation d’ateliers à des individus, en construisant des rapports horizontaux, les bibliothèques s’offrent l’occasion d’être productrice de savoirs qui sont produits et gérés en commun. Mieux, les bibliothèques deviennent le garant que ces ressources co-construite sont protégées contre toute forme d’atteinte. En préservant leur intégrité, elles les protègent contre les enclosures. Toutefois, pour y parvenir les bibliothèques doivent identifier des communautés d’intérêts et réussir à les intégrer. Cela signifie donc de placer les usagers au cœur de leur activité. Cela implique également de changer de regard sur sa relation avec les usagers et les considérer comme une ressource à activer qui bénéficiera à l’ensemble de la communauté qui fréquente l’établissement. Construire des espaces d’apprentissage collaboratif est une opportunité à saisir pour pouvoir adapter les bibliothèques aux nouvelles méthodes d’acquisition et de production des savoirs et ainsi contribuer durablement au mouvement des biens communs.

1Carte des labs, Makery http://www.makery.info/map-labs/ Consulté le 19/09/2016

2Définitions des tiers lieux sur le portail de la médiation numérique http://www.mediation-numerique.fr/actualite_fablabs-tiers-lieux-hackerspaces-makerspaces-espaces-de-coworking…-comment-sy-retrouver_62.html Consulté le 19/09/2016

3Charte des Fab Lab, http://www.artilect.fr/fablab/ Consulté le 19/09/2016

4Away from the keyboard ou AFK, littéralement « éloigné du clavier » est une expression utilisée pour signifier qu’on se rencontre physiquement. Certains privilégient AFK à IRL (In Real Life) sous-entendant que même en ligne, il s’agit de la « vraie vie. »

5Le site officiel Maker Faire France indique le nombre d’événements organisés sur le territoire national http://makerfaire.fr/ Consulté le 19/09/2016.

6Tiers -lieux : et plus si affinités, Antoine Burret, éditions FYP, http://www.fypeditions.com/tiers-lieux-et-plus-si-affinites/ Consulté le 19/09/2016

7Hanging Out, Messing Around, and Geeking Out : Kids lving and learning with New Media, Mizuko Ito, https://mitpress.mit.edu/books/hanging-out-messing-around-and-geeking-out Consulté le 19/09/2016

8A ce propos, lire le chapitre Décider ensemble : le design thinking en bibliothèque par Nicolas Beudon.

10Panorama et enjeux des nouveaux usages et espaces collaboratifs et créatifs en bibliothèque , Vincent Chapdelaine, http://fr.slideshare.net/vincentac/panomrama-et-enjeux-des-nouveaux-usages-et-espaces-collaboratifs-et-creatifs-en-bibliotheque Consulté le 19/09/2016

11Pour en savoir plus sur les repair cafés www.repaircafe.fr/ Consulté le 19/09/2016

12A propos de l’Espace 3C à la bibliothèque ETS au Québec, https://www.etsmtl.ca/nouvelles/2013/espace-3C Consulté le 19/09/2016

13Pour en savoir plus sur la littératie numérique, http://habilomedias.ca/principes-fondamentaux/quest-ce-que-leducation-aux-medias Consulté le 19/09/2016

14Les ruches d’art sont particulièrement développées en Amérique du Nord. Ces « maisons publiques » se présentent comme «des tiers-espaces créent de multiples occasions de dialogue, de partage de savoir-faire et de création artistique, entre des gens de divers horizons socio-économiques, âges, cultures et capacités. ». Pour en savoir plus http://arthives.org/fr/a-propos Consulté le 19/06/2016

16Pour en savoir plus sur Pas Sage En Seine https://www.pseshsf.org/fr/accueil Consulté le 19/09/2016

17A propos de la documentation, lire l’article La documentation, le Graal des Fab Labs et autres lieux de bidouille, Laurence Battais, http://carrefour-numerique.cite-sciences.fr/blog/la-documentation-le-graal-des-fab-labs-et-autres-lieux-de-bidouille/ Consulté le 19/09/2016

19A lire Comment je documente ? Et pourquoi ? http://carrefour-numerique.cite-sciences.fr/fablab/wiki/doku.php?id=aide:documenter Consulté le 19/09/2016

20En savoir plus sur les licences Creative Commons http://creativecommons.fr/ Consulté le 19/09/2016

Une réponse à “La bibliothèque, un espace d’apprentissage collaboratif”

  1. Rétroliens : Innovation et bibliothèques publiques : pourquoi et comment ? – La bibliothèque apprivoisée

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