Garantir le droit à la vie privée, un impératif moral

Les bibliothèques participent à la construction des citoyens par la mise à disposition des collections et des services qu’elles proposent. Nous, bibliothécaires, ne pouvons tolérer la moindre forme de censure qui constitue une menace pour notre liberté de penser, notre liberté d’expression et donc nos droits civiques. Nous devons à travers notre action gagner la confiance des citoyens et leur offrir la garantie que leur vie privée est respectée et surtout leur donner les moyens de la protéger. « La bibliothèque publique est le centre local d’information qui met facilement à la disposition de ses usagers les connaissances et les informations de toute sorte » et elle doit leur assurer une confidentialité.

Notre servitude volontaire aux GAFAM nous coûte cher, et met en péril nos libertés numériques. Nous nous devons d’expliquer aux individus pourquoi quand ils font une requête sur Google, ils obtiennent ces résultats de recherche et pas d’autres. Nous devons leur expliquer comment fonctionne la publicité ciblée. Nous devons leur montrer que quand ils sont sur un site, ils sont en réalité pistés par d’autres sites. Il faut leur dire que quand ils font une recherche sur des sites dont la connexion n’est pas chiffrée, n’importe qui peut voir ce qu’ils consultent. L’objectif n’est pas de les rendre paranoïaques ou les dissuader d’utiliser le web et ses services. Mais de les sensibiliser, de leur montrer ce que ça implique comme conséquence pour leur vie privée et leurs données personnelles. Une étude a révélé que la surveillance de masse des moyens télécommunications avait des effets néfastes sur les internautes. Elle expliquait que « la consultation des articles abordant des sujets sensibles a en effet très nettement, et durablement, diminué. La surveillance en ligne par la NSA nuit donc à l’information des citoyens. » Cela pose un véritable problème pour l’équilibre d’une société qui se dit démocratique quand des citoyens s’auto-censurent.

Nous devons donc sensibiliser, accompagner et former les citoyens à ces problématiques. Mais cela implique nécessairement de nous former nous-mêmes. Cela nécessite aussi d’avoir des pratiques qui soient respectueuses de la vie privée de nos usagers. A l’heure où nos lectures peuvent faire de nous des suspects, à l’heure où l’état d’urgence devient la règle et remet en cause des libertés individuelles indispensables dans une société libre et démocratique, nous devons être un rempart en aidant les citoyens à protéger leur vie privée. Les dérives sécuritaires privilégient la surveillance de masse. De présumés innocents nous passons à présumés coupables. Le renseignement à l’échelle de la population est rendu possible par l’utilisation massive des GAFAM. Le modèle économique reposant sur l’apparente gratuité de leurs services nous a rendu coupables de notre captivité. Mais ce n’est pas inéluctable. Des outils sont à notre portée de main et ne sont pas réservés à une bande d’illuminés fanatiques. Le chiffrement, par exemple, est une solution qui permet de garantir la confidentialité des échanges électroniques entre individus. Que ceux qui disent qu’ils n’ont rien à cacher arrêtent d’utiliser des enveloppes et ne mettent plus de serrures sur leurs portes. Le chiffrement, tout comme un mot de passe ou une serrure, sert à protéger le droit à l’intimité garanti par l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.

Plus qu’une priorité, c’est un impératif moral.

Une réponse à “Garantir le droit à la vie privée, un impératif moral”

  1. Rétroliens : Garantir le droit à la vie privée, un impératif moral https://biblionumericus.fr/2017/06/29/garantir-le-droit-a-la-vie-privee-un-imperatif-moral/ … #bibliothèque #feedly #biblib | Le Bouillon des bibliobsédés

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