Des drones en bibliothèques ? Quelle drôle d’idée !

L’industrie s’est appuyée sur la robotique pour pouvoir automatiser un certain nombre de tâches répétitives qui peuvent remplacer l’humain afin d’accroître la productivité et donc la rentabilité. Les progrès techniques ont permis d’automatiser le travail et le fantasme de l’intelligence artificielle propose d’étendre encore un peu plus ce rêve. Les bibliothèques ne sont pas épargnées par l’automatisation de leur activité. Les automates de prêts ont été conçus dans cette perspective afin de libérer du temps pour permettre aux bibliothécaires de se consacrer à de la médiation. Et si es bibliothèques s’équipaient de drone non pas pour surveiller les usagers mais plutôt pour effectuer des récolements par exemple ?

Après la RFID, place aux drones

Une étude s’est penchée sur l’utilisation d’un drone qui serait utilisé pour réaliser un inventaire ou identifier des documents mal rangés en partant du principe que l’aéronef est déjà utilisé dans d’autres secteurs et présente des avantages par rapport aux robots qui sont expérimentés dans certaines bibliothèques : taille, maniabilité, faible consommation électrique, coûts… Un des obstacles pointés par les auteurs de l’étude est de réussir à faire voler un drone dans un espace clos. Si la plupart des dispositifs utilisés de nos jours sont conçus pour des vols extérieurs, il existe cependant des systèmes de drones pour voler en intérieur.

Une des difficultés que l’équipe en charge du drone a dû intégrer est l’agencement et l’organisation des rayons au sein de la bibliothèque. Le drone doit pouvoir être capable de se déplacer dans tous les espaces, prendre en compte la taille et la hauteur des rayonnages sans l’intervention externe d’un humain. Pour leur recherche, les auteurs ont utilisé le drone Parrot Bebop 2 d’une taille relativement réduite pour pouvoir se faufiler partout (28 × 32 × 3.6 cm). Il est équipé d’une caméra RGB (capable de prendre des images couleurs et prendre en compte la profondeur).

L’utilisation d’un drone en intérieur conduit à une seconde difficulté liée à la cartographie. Si les drones peuvent être équipés de capteurs GNSS (Global Navigation Satellite System) leur permettant de se repérer dans l’espace, cela fonctionne mal en intérieur. Et les coordonnées GPS ne sont pas précises à l’intérieur d’un bâiment. Pour y remédier, les chercheurs ont mis en place un système de marqueurs pour aider le drone à se repérer et identifier les étagères. Je vous passe le passage de l’étude qui explique certains étalonnages peuvent être requis pour permettre au drone d’identifier correctement les marqueurs. Je vous laisse apprécier l’esthétique globale du rayonnage :

Déjà que les Qr-Code, c’est moche…

Après avoir effectué le balisage via les marqueurs et paramétrer le circuit du drone, l’aéronef peut procéder à la reconnaissance des livres. Il va identifier chaque livre présent sur l’étagère mais pour cela il doit prendre en compte les caractéristiques visuels de chaque livre (la taille, couleur, épaisseur, le style du titre…). Cela rend l’opération de reconnaissance difficile à réaliser. Pour y parvenir les chercheurs s’appuient sur des techniques de deep learning. Il faut donc alimenter l’algorithme à coups d’images sous différents angles de chaque livre pour permettre au drone d’être ensuite en capacité d’effectuer son processus de reconnaissance. En outre, le drone s’appuie également sur la cote présente sur le dos du livre pour effectuer la reconnaissance. En effet, il est équipé d’un système reconnaissance optique des caractères (OCR).

Processus de reconnaissance de caractères par le drone

Machine 0 – Humain 1

Les chercheurs ont effectué des tests du UJI Aerial Librarian Robot dans une bibliothèque universitaire. Ils précisent que cela a été réalisé en dehors des heures d’ouvertures pour éviter de perturber les usagers présents. Afin de se rapprocher au mieux des conditions réelles d’une bibliothèque ils ont volontairement dérangé des rayons ou mal positionnés des livres. Ils sont parvenus à une moyenne de reconnaissance et de localisation de 65 %. Ils reconnaissent qu’en l’état actuel, le dispositif manque de précision et nécessiterait une amélioration pour être utilisée dans des conditions réelles.

D’après les résultats de cette expérimentation, il semblerait que nous allons devoir attendre encore quelque temps avant de pouvoir compter sur les drones pour automatiser certaines de nos tâches. Cette étude n’a ni la vocation ni la prétention de proposer un dispositif opérationnel. Cela s’inscrit dans une démarche scientifique. Elle a le mérite de s’intéresser aux bibliothèques et montre comment les technologies modernes pourraient faciliter le travail des bibliothécaires.

Cependant, cette étude dit quelques choses de l’évolution et de la place des technologies dans notre société. Pour ma part, j’y vois un risque qui est celui de l’accoutumance aux technologies que cela peut produire. La banalisation de l’utilisation des drones contribue à nous faire accepter cette technologie quand elle se répand dans l’espace public notamment à des fins sécuritaires. C’est exactement ce qui se passe avec la reconnaissance faciale qui est embarquée dans les smartphones et qui est utilisée pour déverrouiller son appareil. On trouve la reconnaissance faciale pratique dans un premier temps, puis on s’habitue à cette technologie et on est plus surpris quand elle est déployée dans des applications de service public. Enfin, on finit par l’accepter voir la désirer quand elle est présentée pour assurer notre sécurité.

Source : MDPI Open Access Journal

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